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séjours de l’homme ancestral

même là plus importante de toutes, car elle est certainement la plus spontanée : elle ignore sa propre origine.

L’homme s’imagine volontiers qu’il est le « roi de la création », et ses religions mêmes partent de cette idée fondamentale. Cela se comprend :
essai de reconstitution du crane du pithecantropus
par le dr manouvrier en 1895
l’être qui voit tous les rayons converger dans son regard, toutes les apparences prendre une réalité dans son cerveau doit forcément se considérer comme étant au centre et au-dessus de tout : c’est par la longue réflexion, le contrôle incessant de la vie qu’il arrive à reconnaître la valeur et la place relative des êtres, ainsi que l’égalité virtuelle, dans l’évolution générale, de toutes les formes qui se développent à travers les âges.

L’homme ne peut même prétendre à la supériorité que lui donnerait le fait d’être l’œuvre la plus récemment éclose des forces naturelles en travail.

Depuis les époques éloignées, maintes espèces ont pu naître des actions physiques et physio-chimiques du milieu terrestre incessamment modifié ; l’on sait que, d’après Quinton, tout le monde des oiseaux appartiendrait, par sa formation, à une période postérieure à celle de l’homme. Enfin, parmi les espèces appartenant à des familles existant depuis les âges les plus lointains, plusieurs, en évoluant dans une voie différente de celle que l’homme a suivie, ne se meuvent-elles pas dans le sens d’une vie sociale qui certes n’est pas inférieure au chaos dans lequel se débattent les humains toujours en lutte ? Les fourmis, les abeilles, les castors, les chiens des prairies qui, sortis de leurs terriers, vivent en républiques heureuses, les grues, qui dessinent dans l’air bleu les deux traits nets