Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 1, Librairie Universelle, 1905.djvu/252

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
234
l’homme et la terre. — peuplés attardés

les comprennent les maîtres du pays, maintenant les seuls habitants.

De nos jours, ce n’est pas l’homme qui met le plus de zèle à s’orner, c’est la femme. Plus que le mâle, elle est exposée dans les pays civilisés à mener une vie solitaire ; c’est donc à elle à rechercher les étoffes soyeuses et délicates, les bijoux, les pierres éclatantes, de consacrer à sa toilette des heures nombreuses, et parfois même de soumettre son corps à de véritables tortures, dans l’espoir d’attirer les regards admirateurs.

Cependant il est des circonstances dans lesquelles, à n’en pas douter, l’homme prend vêtement ou couverture pour se garantir contre le temps. Dans les contrées où les pluies sont d’une abondance extrême, telles que la Papouasie et certaines parties du Brésil intérieur, le vêtement de l’indigène n’est d’ordinaire autre chose qu’un toit. Ainsi que l’a remarqué von der Steinen, le ruissellement des averses, entraînant les feuilles et les branchilles cassées des arbres, serait souvent un danger pour le naturel s’il ne protégeait sa tête et son torse par des cônes de feuilles sur lesquels l’eau et les débris glissent rapidement. À cette origine locale du vêtement se sont ajoutées plus tard les autres causes énumérées par les archéologues, y compris la vanité. L’homme utilise toutes les circonstances pour se faire admirer et s’admirer lui-même. La carte de la page précédente illustre suffisamment le fait que les matériaux ne manquent nulle part pour se couvrir ; à défaut de peaux ou de plantes textiles, on se sert de feuilles de palmiers, principalement dans le bassin du Congo, et les habitants de la forêt équatoriale approprient merveilleusement de simples écorces.

Dans les pays très froids, exposés aux âpres vents de mer, il était également nécessaire aux hommes de se couvrir : s’envelopper d’épaisses fourrures semble pour eux, sous ces terribles climats, une question de vie ou de mort. Cependant la force de résistance des indigènes aux froidures de ces régions voisines des cercles polaires arctique et antarctique est telle qu’ils peuvent fréquemment s’exposer aux intempéries en état de nudité. Non seulement ils semblent indifférents à la sensation du froid, mais ils évoluent à l’aise dans des conditions qui amèneraient à bref délai la mort de l’Européen. Darwin et d’autres voyageurs ont eu souvent l’occasion de voir des Fuégiens nus cheminer sous la