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ornements naturels

La vêture extérieure, remplaçant les ornements gravés sur la peau, devait, pour une forte part, rendre à l’homme le même service, celui de l’orner, de satisfaire sa vanité personnelle et de le signaler à l’admiration

 
canaque
de la nouvelle-calédonie
en costume de fête
D’après une photographie.
 
de tous. Cependant la plupart des moralistes, obéissant aux préjugés du temps actuel, et les transportant dans le passé, se sont accordés à voir dans un sentiment de pudeur la
raison première
des habillements
de toute espèce que
portent les hommes[1] ; à cet
égard, ils acceptent la légende de la Bible, qui nous montre le premier couple humain vivant au paradis dans sa belle nudité, puis s’habillant de feuilles aussitôt après avoir mangé un fruit qui donne la connaissance du bien et du mal[2].

Si tel avait été réellement le mobile auquel obéit l’homme en couvrant son corps, pourquoi nombre de peuples primitifs, Australiens, Mincopi, Botocudo[3], montrent-ils leur nudité sans honte ? Et pourquoi chez tant de peuples, naguère chez les Juifs, tout récemment encore chez les Ethiopiens et les Galla, le grand trophée de guerre était-il la dépouille virile du guerrier ? Et surtout pourquoi d’autres sauvages

décorent-ils leurs formes naturelles de franges, de coquillages, de perles et de graines rouges, de verroteries, attirant ainsi l’attention au lieu de l’écarter ? Pourquoi les Canaques de la Nouvelle-Calédonie et autres insulaires mélanésiens, pourquoi les Cafres

  1. Schurtz, Grundzüge einer Philosophie der Tracht, pp. 7, 9, 10.
  2. Genèse, chap. III, 7.
  3. Waitz et Gerland, Ethnographie, passim.