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tatouages

n’était femme qu’à ce prix : nulle main impure, c’est-à-dire non tatouée, n’aurait pu servir le repas ; nulle figure restée naturelle n’eût commandé le respect. Le tatouage était devenu pour l’homme le symbole de la liberté.

Et vraiment, le Maori, le Marquisien, superbement tatoués, présentaient un beau
tatouage japonais
sur le dos d’un soldat anglais

D’après une photographie.
spectacle de nudité fière, tout historiés, sur le fond rouge du corps, de traits bleus qui se développaient en courbes élégantes, différant partout en dessin suivant la forme du relief, ici accusant les traits, ailleurs adoucissant les contours, ajoutant la noblesse et la grâce au bel équilibre des deux moitiés correspondantes de la personne, pour lui imposer une anatomie nouvelle, de nature à frapper le regard.

Chez le Japonais, qui sans doute est partiellement d’origine océanienne, le tatouage, modifié suivant le modèle de la peinture nationale, a pris un caractère tout différent de celui des Polynésiens : il s’est affranchi de la symétrie que semblent commander les formes harmoniques ou plutôt il a subordonné la géométrie corporelle pour faire valoir par elle l’unité de son dessin et former un tableau saisissant d’imprévu, où serpentent librement les dragons, où l’on entrevoit des oiseaux et des visages féminins à travers les branchages fleuris. Le tatouage, presque disparu de la société contemporaine qui se respecte, ou du moins caché lâchement sous des habits, était