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l’homme et la terre. — peuplés attardés

il leur arrive souvent de passer de longues heures à soigner l’édifice de leur chevelure, et la mode pour le choix des plumes, des épines, des graines, des verroteries, des étoffes qui brilleront sur leur corps les passionne souvent bien plus que la chasse ou la guerre.


Cliché du Globus
homme tatoué de mogemok
(ile mackensie, carolines)

(Devant)
Avec quelle fierté naïve s’étale et se déploie le sauvage pour montrer dans tout leur éclat les belles couleurs, vives et contrastées, dont ses membres sont revêtus ! Les terres graisseuses, les argiles, les ocres, et, dans les régions tropicales, surtout l’Amérique du Sud, les fruits qui teignent le corps, tels le génipa et le roucou, sont, parmi les objets de trafic, les plus recherchés. Les ornements et les peintures ne diffèrent pas seulement avec les matériaux que fournissent certains pays, mais aussi suivant la forme des chevelures et la couleur des visages : les artistes jugent avec une coquetterie savante de l’effet produit par leurs artifices.

Aux moyens extérieurs de se rendre beaux, ou, suivant les occasions, formidables d’aspect, les primitifs ajoutaient et ajoutent encore, en maintes contrées, les marques indélébiles du corps, blessures, entailles, scarifications ou suppression de membres, tatouages, peintures et dessins. Le désir de plaire ou de terrifier ne fut pas la seule raison de ces souffrances volontaires, de ces tortures même et de ces mutilations : la plupart des tribus et, dans ces tribus, chaque personne avaient également à préciser leur individualité, à revendiquer leurs origines, à proclamer leur gloire, à dire leurs ambitions, à s’éterniser dans la mémoire des siècles.

L’homme policé de nos jours a son passeport, son livret ou ses insi-