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l’homme et la terre. — peuplés attardés

Dans ses diverses manifestations, la peinture, de même que la gravure et la sculpture, devait servir à plusieurs fins. Elle fut d’abord le besoin de vivre avec la nature ambiante, de la faire rejaillir de soi-même après l’avoir conquise, elle fut aussi le récit des événements, soit pour le cercle étroit de la tribu et pour une courte période de la vie, soit pour constituer de véritables annales pendant
comment les indigènes de neu-lauenburg
(archipel bismarck, mélanésie allemande)
représentent les fantômes

D’après une photographie.
une longue durée de temps. En outre, la peinture, tout particulièrement sur les peaux ouvrées par les sauvages de l’Amérique du Nord, fut parfois une simple nomenclature, un moyen de comptabilité, comme l’emploient encore en beaucoup de pays civilisés les boulangers et fournisseurs quotidiens. Les formes peintes ont aussi très souvent un sens symbolique et se rapportent aux imaginations du peuple relativement à l’au delà. Enfin, il est très probable qu’en beaucoup de circonstances les figurations diverses pratiquées sur les peaux et les rochers constituent une véritable écriture idéographique ; elles doivent, à ce point de vue, être spécialement étudiées comme expression du langage.

D’après l’archéologue Piette, grand fouilleur de cavernes, les peintures de l’ « assise à galets coloriés » que l’on trouve dans les couches préhistoriques de la grotte du Mas d’Azil, succédant immédiatement à celles de l’âge du renne, n’auraient été que des espèces d’hiéroglyphes : ce sont pour la plupart des bandes et des cercles de couleur rouge, qui paraissent avoir indiqué des nombres et représentaient aussi des faits et des idées[1].

De même, les inscriptions gravées sur les rochers du val d’Inferno et

  1. Ed. Piette, Bulletin de la Société d’Anthropologie de Paris, séance du 18 avril 1885.