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l’homme et la terre. — peuplés attardés

ba-eu-pse, « matière du ciel », et l’ancienne doctrine relative au « firmament  », que l’on s’imaginait comme une voûte de fer dont les fragments tombent parfois sur la terre. De même, les Grecs donnèrent au fer une appellation (sideros) certainement dérivée d’un mot appliqué au monde « sidéral » : pour eux, le fer était un petit astre détaché de l’empyrée. Dès les origines de l’histoire, ce métal était connu en Égypte, puisqu’on a trouvé une barre de fer maçonnée dans l’intérieur de la pyramide de Chéops ; mais, soit par méfiance, relativement à un objet d’invention moderne, soit par crainte des dieux lanceurs de météorites, les Egyptiens considéraient le fer comme impur ; c’est avec une arme de ce métal que Typhon aurait tué Osiris, et la rouille qui, sous un climat moite, ronge promptement le corps métallique, était tenue pour le sang épaissi du Dieu. Un de ces très anciens outils fabriqués en fer météorique a été retrouvé par Schliemann dans les ruines de-Troie[1]. Mais déjà ces divers travaux du mineur et du forgeron permettent de déterminer, dans la plupart des civilisations locales, un âge assez rapproché des siècles connus ou du moins entrevus par l’historien : les archéologues cherchent à en fixer les dates et ce travail leur est de plus en plus rendu possible par les multitudes de documents qui s’amassent dans les collections. Ainsi Glasinaï, en Croatie, nous fournit des objets par vingtaines de mille en pierre, en bronze et en fer.

Les progrès industriels de toute espèce qui se sont accomplis pendant la période préhistorique, dépassant certainement de beaucoup en importance tous ceux qu’enregistra l’histoire proprement dite, devaient naturellement solliciter la passion, la joie artistique de l’ouvrier, et par conséquent faire naître l’art, compagnon nécessaire du travail libre.

En ces premiers âges, où les classes n’étaient point encore séparées, où le grand corps social n’avait que partiellement différencié ses organes, l’art n’avait probablement pas encore ses adeptes spéciaux vivant en dehors de la communauté. Chacun était son propre décorateur, chacun son propre artiste, de même que, pour tous les besoins de l’existence, chacun était son propre fournisseur, et dans le danger son propre champion.

Quand le primitif se trouvait aux aguets dans la brousse, attendant

  1. Stanislas Meunier, Revue scientifique, 7 mai 1896, p. 584.