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étoffes, poteries

il est certain que le Nouveau Monde ne connut pas le char avant l’arrivée des Espagnols ; il n’avait que le traîneau, tandis que dans l’Ancien Monde nous voyons apparaître partout, aux origines de l’histoire, le merveilleux engin de la caisse où l’homme se place avec son avoir, qu’il installe sur un essieu entre deux roues pleines, grinçant à chaque traction du moteur, homme ou animal.

Pareille conquête fut, avec celle des métaux, la véritable aurore du monde moderne.

Les travaux métallurgiques ne se sont point succédé dans toutes les contrées suivant un ordre identique. Les méthodes ont dû varier suivant l’abondance et la nature du minerai, de même que suivant les progrès accomplis antérieurement par les diverses populations. Ainsi l’on constate que les sauvages, riverains du lac Supérieur, dans l’Amérique du Nord, apprirent à marteler le cuivre natif des gisements d’Ontonagon et de Keweenaw, pour en fabriquer des ornements et des armes. De même, les Eskimaux du Groenland, qui ne savaient pas fondre les métaux et qui, pour leur industrie habituelle, en étaient encore à l’âge de la pierre et des os, utilisaient pourtant quelque peu les blocs de fer météorique ou natif qu’ils trouvaient sur leurs côtes. Tandis que, dans l’Europe occidentale, l’ordre de succession normal dans l’emploi des métaux se fit du cuivre au fer en passant par le bronze — alliage de cuivre et d’étain —, les nègres et les Ouraliens commencèrent par l’usage du fer, et ce sont eux qui, par deux voies, celles du sud et de l’est, devinrent, comme forgerons, les initiateurs des « Aryens » d’Europe et d’Asie.

D’ailleurs, ainsi que le fait remarquer Lenormant[1], le fer météorique, le fragment d’astre tombé du ciel et que l’on put croire d’abord avoir été spécialement envoyé en présent à son peuple par un dieu bienfaisant, dut être en beaucoup de pays le point de départ des travaux de métallurgie. Ce métal, que l’on n’a pas besoin d’affiner et qu’il suffit de fondre pour l’employer dans la fabrication de toute espèce d’instruments, fournit aux inventeurs de ces époques lointaines l’occasion « providentielle » de prendre leurs premières leçons sur le traitement des métaux. C’est là ce qu’indiquent le nom égyptien du fer,

  1. Les premières Civilisations.