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l’homme et la terre. — peuplés attardés

nom. D’autres palafittes, graduellement consolidés et devenus terre ferme, ont reçu des forteresses, des maisons de plaisance, comme Isoletta dans le lac de Varese, ou Roseninsel, dans celui de Starnberg. Les villes de Bamberg, Würzburg commencèrent aussi par être des cités fluviales[1].

La plupart des groupes de pilotis ont dû se rattacher à la côte, les alluvions, les tourbes et les débris même des anciens villages ayant comblé les détroits, d’ordinaire peu profonds, qui séparaient l’îlot du littoral. Les palafittes du lac Paladru portaient encore leurs cabanes à l’époque carolingienne[2]. Pareils phénomènes se sont également accomplis au bord de la mer, et pour des raisons analogues ; l’antique cité de Tyr, le Pharos d’Alexandrie, la Djezireh d’Alger, Venise et Ghioggia en sont les exemples les plus connus. L’étude des palafittes et de leur flore nous montre combien la mainmise de l’homme sur la nature a été puissante depuis cette époque : les plantes que l’homme cultivait alors ont été améliorées ou remplacées par d’autres variétés plus productives, tandis que les espèces sauvages, les « mauvaises herbes » sont encore identiques à celles qui pullulaient il y a des milliers d’années[3].

En étudiant chaque contrée par le détail, on pourrait constater que la plupart des types d’anciennes demeures y sont encore représentées, mais, à cet égard, il est des régions tout particulièrement intéressantes. On voit toutes les formes d’abris dans la partie de la Maurétanie qui embrasse l’île de Djerba, le désert voisin et les monts du littoral en Tunisie et en Tripolitaine. Restes de constructions maritimes sur pilotis, ksour berbères, forts et maisons modernes, tentes du nomade, grottes creusées en longues galeries dans le rocher et révélées seulement au dehors par des trous circulaires semblables à des entonnoirs, tranchées qui mènent à des cours intérieures semblables à des puits et se ramifiant en cavernes régulièrement taillées ; enfin, pyramides de forts et de bastions où les assiégés peuvent fuir de réduit en réduit, telles sont les variétés de demeures que présente cette étroite contrée, riveraine des Syrtes[4]. A Matmata, le bureau de poste, lieu respecté par excellence, s’est installé dans une grotte.

  1. Jeitteles, Ausland, 1872, n° 45.
  2. Chantre, Comptes-rendus de l’Académie des Sciences, 1872, n° 3.
  3. Kolb, Culturgeschichte, I, p. 46.
  4. Manier de Mathuisieulx, Notes manuscrites ; Henry M. Johnston, Geogr. Journal, jan. 1898.