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l’homme et la terre. — peuplés attardés

bêtes dans les forêts sont encore fort nombreuses. C’est là une espèce de gîte tout indiquée sur une très grande étendue de la Terre, en pays de forêts, de brousses ou de roseaux. Tel lieu qui présente à la fois des avantages pour le refuge, la défense et la salubrité dut être fréquemment disputé entre l’homme et l’ours ou tel autre animal. Il est de ces abris naturels, bien défendus des vents, des rayons trop ardents du soleil et des tempêtes, qui offrent des lits de mousse, de feuilles ou de gazon vraiment délicieux ; même de nos jours, les civilisés qui ont eu dans le cours de leur vie l’occasion de comparer l’existence aventureuse dans les forêts et la régularité monotone du séjour dans les maisons fermées doivent plus d’une fois, dans leurs heures d’insomnie, regretter le temps où, de leur couche herbeuse, ils voyaient les étoiles et la voie lactée palpiter doucement entre les branches, en apparence immobiles.

En ces retraites charmantes, il est souvent facile d’accroître les conditions du confort par de très simples procédés, par exemple, en rattachant en un bouquet les cimes de plusieurs tiges disposées en cercle, on forme une espèce de hutte conique, à laquelle on peut ménager une ouverture suffisante et tresser des parois au moyen de rameaux entre-croisés[1]. Puis on arrive facilement à des constructions plus savantes, troncs d’arbres assemblés en forme de murs, lattes et fascines pour les partitions, feuilles que l’on entasse en couches épaisses pour les toitures ; fûts isolés qui font l’office de colonnes ; bois épineux qui sont disposés en enceinte autour de la demeure pour la protéger contre les bêtes féroces ou contre d’autres hommes. Tel fut le commencement de la cabane, qui dut toutefois changer de proportion et d’architecture, suivant la nature de la végétation locale. Dans tous les pays de l’Orient asiatique, le bambou, cette plante à croissance rapide, si remarquable par sa forme et sa légèreté, sa facilité d’emploi, est le principal élément duquel disposent les architectes rustiques. Dans les régions tempérées, et sur les pentes des monts où manque le bambou, le bois proprement dit sert à la construction des cabanes, isbas ou chalets.

Les deux formes typiques de ces édifices rudimentaires, le cercle et le carré ou rectangle, dépendent naturellement des matériaux qui se

  1. Viollet-le-Duc, Histoire de l’Habitation humaine, p. 67.