Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 1, Librairie Universelle, 1905.djvu/177

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
préhistoire et protohistoire

des époques, et surtout à l’étude des peuples dits « primitifs » ou plutôt des « attardés », encore très faiblement influencés par les grands peuples conquérants, que l’on apprend à connaître par analyse les hommes d’autrefois, nos ancêtres, et que l’on essaie de reconstituer leur évolution dans les anciens milieux géographiques plus ou moins différents de l’ambiance actuelle.

Certes, il est très difficile de revoir par la pensée, avec une précision suffisante, le genre de vie suivi jadis par les populations primitives dont on recueille les ossements et les armes. Mais, en beaucoup d’endroits, la nature a peu changé depuis ces âges lointains, et, d’ailleurs, on a toujours comme élément de comparaison les pays où se trouvent actuellement des tribus ayant des mœurs analogues à celles des peuplades qui ont disparu, ne laissant que des témoignages de leur forme particulière de civilisation.

Les distances correspondent au temps : de contrée à contrée, on voyage aussi bien que de siècle en siècle. Le fait est que Miklukho-Maklaï se trouvait en un passé bien lointain, lorsqu’il écoutait ces vieillards de la Nouvelle Guinée qui lui parlaient de l’époque, peu éloignée d’eux, où le feu était ignoré de leur tribu, et qui n’en étaient pas encore arrivés à savoir le reproduire artificiellement : quand un charbon s’éteignait dans une hutte, il fallait aller chercher de la braise dans une autre cabane. Et les Ta-Ola (Toala), découverts dans l’épaisseur des bois de Célébès, ne sont-ils pas encore plus profondément enfouis dans la sombre nuit des temps antiques, antérieurs à la connaissance de tout ce qui, outre la nourriture, nous est devenu indispensable ? D’ailleurs, s’il y a progrès pour un grand nombre de peuplades, et notamment pour celles dont nous, les civilisés, sommes issus, que de populations rétrogradent aussi, retournant vers les bauges d’autrefois, sans air et sans feu !

En premier lieu, quels furent les aliments de nos ancêtres ? L’observation de nos contemporains « primitifs » nous répond suffisamment. La nourriture des non-policés diffère encore suivant le climat, la nature du soi et le degré de civilisation atteint par les indigènes dans la succession des âges préhistoriques. Les insulaires, même ceux pour lesquels la nature n’a pas été avare, comme en de nombreux archipels océaniens, devaient, récemment encore, se borner aux fruits, aux