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l’homme et la terre. — travail

avaient pêché dans les rivières et dans les lacs. En mainte rivière de l’intérieur, l’alliance libre — parts égales entre l’homme et l’oiseau — n’a pas encore été violée au profit du plus fort. Des ligues se sont aussi conclues fréquemment, non pour la nourriture, mais pour la défense, notamment contre les serpents.

À la Martinique, à Sainte-Lucie, les oiseaux de la brousse s’assemblent en tumulte pour signaler à l’homme la proximité du trigonocéphale, et témoignent par des cris de triomphe et des chants de félicitations à la gloire du vainqueur la mort de l’ennemi détesté.

Notre alliance avec le chien, le compagnon principal de l’homme dans la lutte pour l’existence, présente une origine analogue. On a souvent constaté que des chiens sauvages, ou revenus à l’état libre, s’associent, même par dizaines, pour forcer à la course un animal qui serait trop redoutable ou trop rapide pour un seul de ses persécuteurs. De même, lorsque des hommes chassaient la grosse bête pour leur propre compte, on a vu des canidés prendre aussi part à la chasse, comptant qu’après la capture le chef de vénerie ne manquerait pas de leur donner un morceau de la proie qu’ils avaient aidé à saisir. Ainsi se scella le traité d’alliance entre les chasseurs, homme et chiens, et de l’association dut naître, tôt ou tard, l’assujétissement de l’animal, moins fort par l’intelligence et la volonté. C’est de la même manière que les peuples chasseurs arrivèrent à domestiquer les faucons.

L’amitié première, spontanée, eut également son importance dans l’œuvre de coopération de l’homme avec les animaux ; pour certaines espèces, elle fut même d’abord la seule raison d’alliance. Les gazelles, et autres ruminants que s’associèrent les riverains du Nil, sont pour la plupart des commensaux qui, avant de devenir des animaux domestiques utilisés par l’homme comme nourriture, étaient de véritables amis, protégés par un contrat tacite scrupuleusement observé.

À cet égard, les Denka, bergers riverains du haut Nil, dans les régions où le fleuve errant à travers les savanes est souvent obstrué d’îles flottantes, peuvent être considérés comme se trouvant dans l’époque de transition. L’élève du bétail, qui paît dans la mer onduleuse des longues herbes, est la seule occupation de ces noirs, leur seul idéal ; l’animal compagnon est pour eux, comme pour