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la paix et la guerre

sans que la première pierre fit jaillir le sang d’une victime. D’après la légende, un pilier de fer, le Radjalidhava, indiquant le centre des villes qui se succédèrent

Dessin de George Eous.
le pilier de fer, le « radjahdhava », à delhi
à l’endroit où s’élève maintenant la cité de Delhi, baigne toujours dans le sang : il fut planté au lieu même où l’innombrable armée des hommes-serpents, c’est-à-dire des indigènes, fut
enfouie, vivante encore, à la gloire de Yudichtira, un des cinq fils de Pandu.

Il est certain que les guerres, phénomène historique complexe, embrassant la société tout entière dans l’ensemble de la vie, peuvent avoir été, en vertu de leur complexité même, l’occasion de progrès, malgré la destruction, les ravages, les maux de toute nature qu’elles ont causés directement. Ainsi tel conflit entre tribus ou nations avait

été précédé de voyages d’exploration qui fournirent de précieux renseignements sur des contrées peu connues, puis, après la lutte, il eut pour conclusion des traités d’alliance et des relations fréquentes de commerce et d’amitié. Ces relations furent heureuses, puisqu’elles élargirent l’horizon de peuples qui s’ignoraient autrefois, accrurent leur avoir, développèrent leurs connaissances ; mais, loin d’être le résultat de la guerre, elles provenaient, au contraire, du mouvement qui s’était produit en sens inverse, et si les massacres n’avaient pas eu lieu, si les alliances avaient devancé l’effusion du sang, on n’eût eu à les acheter par aucun sacrifice. Seulement le peuple n’a