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changements de milieux

venant de la nature inorganique est brutale, impérieuse, sans appel. Une explosion volcanique, un débordement fluvial, une invasion de la mer, les ravages d’un cyclone ont maintes fois forcé les habitants de tel ou tel pays à quitter la terre natale pour fuir vers des contrées hospitalières. Dans ce cas, le changement de milieu amène forcément des changements d’idées,
kalmouk de la transbaïkalie
une autre conception de la nature ambiante, une autre façon de s’associer aux circonstances, différentes du milieu précédent. Il se peut donc, malgré la catastrophe et tous les malheurs qui en sont la conséquence, que l’événement soit pour la population frappée une cause puissante de progrès. Sans doute, les individus ont souffert, ils ont peut-être perdu le produit de leur travail et leurs approvisionnements ; mais que sont pareilles pertes en comparaison des acquisitions intellectuelles que peut donner l’adaptation à un nouveau milieu ?

Parfois, il est vrai, le désastre entraine autre chose que des ruines matérielles : des peuplades ont été décimées ou même complètement exterminées par ces catastrophes de la nature et, dans ce cas, il faut que la tribu frappée se reconstitue à grand’peine ; que, par une sorte de reviviscence dont elle trouve les traces ataviques en soi, elle revienne aux institutions du passé, et reprenne péniblement les mœurs antiques dans sa lutte pour la vie, lutte dans laquelle il est d’ailleurs possible que le groupe d’hommes menacés succombe définitivement. Dans l’éternel effort vers le mieux de l’existence et le bien-être, l’homme se trouve quelquefois le plus faible et régresse alors vers la sauvagerie primitive ;