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l’homme et la terre. — milieux telluriques

est recouverte d’arbres, quand il y pousse des herbes folles ou des moissons, quand les routes s’y entrecroisent et que s’y édifient des demeures humaines.

Il est aussi des traits de la nature qui, sans avoir changé en rien, n’en exercent pas moins une action tout autre par l’effet de l’histoire générale qui modifie la valeur relative de toutes choses. Ainsi la forme de la Grèce est restée la même, sauf pour quelques détails, provenant des érosions et des apports. Mais combien ces mêmes contours et ces mêmes reliefs eurent-ils une signification différente, lorsque le mouvement de la civilisation se portait vers la Grèce en venant de Cypre, de la Phénicie, de l’Egypte, ou, plus tard, lorsque le centre de gravité de l’histoire se fut déplacé vers Rome ! Un contraste des événements se produisit alors, comparable au contraste de la lumière qui se répand à l’aurore sur un versant de montagne et de l’ombre qui l’envahit au crépuscule. Et le voisinage d’une capitale, celui d’un port, d’une mine, d’un banc de houille ne font-ils pas surgir la vie de la nature morne, inerte en apparence ? Le développement même des nations implique cette transformation du milieu : le temps modifie incessamment l’espace.


masque remplaçant les gravures de František Kupka - cul-de-lampe
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