Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 1, Librairie Universelle, 1905.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
99
fleuves et mers

d’ampleur et de ressources suffisantes, à vivre en sociétés indépendantes, sachant s’accommoder parfaitement à leur milieu pour en tirer leur subsistance et leur culture, mais, là où les riverains de l’Océan gardent leurs libres communications avec l’intérieur du continent, soit par des plaines desséchées, faciles à traverser, soit par des cours d’eau à régime normal,
diola des rivières du sud
ils peuvent en même temps jouir des avantages qui proviennent de leurs rapports avec le continent et s’approprier graduellement ceux que leur offre la mer.

En certains parages, la vague se prête bienveillamment aux tentatives des hommes. Là où le fleuve se continue en estuaire et l’estuaire en golfe, la navigation suit tout naturellement la même direction dans le voisinage des côtes, tantôt spontanément par la volonté des rameurs qui poursuivent leur gibier, soit involontairement par le caprice des vents ou des courants. La transition se fait ainsi du fleuve à la mer : l’apprentissage de l’eau salée commence sur les eaux douces. Des baies protégées du vent ou des passes garanties de la houle du large par des îles ou des chaînes d’écueils, notamment le long des côtes dalmates, assurent aux riverains des facilités de navigation analogues à celles que l’on a sur les fleuves, et des esquifs du même genre durent se construire sur leurs bords.

La navigation fluviale se change ainsi peu à peu en navigation côtière et celle-ci en navigation maritime. Souvent le batelier est poussé vers la haute mer ; d’autres fois, il la recherche lui-même, pour éviter d’être jeté sur la grève ou contre la falaise. Il apprend ainsi que la mer, avec ses abîmes insondés, est moins dangereuse que la côte avec