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à baptiser, les garçons et les filles qu’ils « confirment dans la foi » par l’ingestion d’une hostie, les jeunes gens qu’ils prétendent conjoindre, les malheureux qu’ils souillent en faisant naître le péché dans leur âme par la confession, les mourants qu’ils terrorisent encore au dernier moment de la vie. Déchristianisons-nous ! déchristianisons le peuple !

Mais les écoles, même celles qui se disent laïques, christianisent leurs élèves, c’est-à-dire toute la génération pensante, nous est-il répondu. Et ces écoles comment les fermerons-nous, puisque nous trouvons devant elles des pères de famille revendiquant la « liberté » de l’éducation choisie par eux ? À nous qui parlons sans cesse de liberté et qui ne comprenons l’individu digne de ce nom que dans la plénitude de sa fière indépendance, voici qu’on oppose aussi la « liberté » ! Si ce mot répondait à une idée juste, nous n’aurions qu’à nous incliner en tout respect afin de rester fidèles à nous-mêmes ; mais cette liberté du père de famille est-elle autre chose que le rapt, l’appropriation pure et simple d’un enfant qui devrait s’appartenir et que l’on remet à l’Église ou à l’État, pour qu’ils le déforment à souhait ? N’est-ce pas une liberté semblable à celle du manufacturier qui dispose de centaines ou de milliers de « bras » et qui les emploie comme il veut à concasser des métaux ou à croiser des fils ; une liberté comme celle du général qui fait manœuvrer à sa guise des « unités tactiques » de « baïonnettes » et de « sabres » ?

Le père, héritier convaincu du pater familias romain, dispose également de ses fils et de ses filles, pour les tuer moralement ou, pis encore, pour les avilir. De ces deux individus, le père et l’enfant, virtuellement égaux à nos yeux, c’est le plus faible que nous avons à soutenir de notre force ; c’est de lui que nous avons à nous déclarer solidaires, lui que nous tâcherons de défendre contre tous ceux qui lui font tort, fût-ce le père même ou celui qui se dit tel, fût-ce la mère qui le porta dans son sein ! Si, par une loi spéciale qu’imposa l’opinion publique, l’État refuse au père de famille le droit de condamner son fils à l’ignorance, nous qui sommes de cœur