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tien de l’homme qui se sauve en voyant périr son semblable et qui refuse une goutte d’eau à son ennemi. Nous, les anarchistes qui travaillons à l’émancipation complète de notre individu, collaborons par cela même à la liberté de tous les autres, même à celle du mauvais riche quand nous l’aurons allégé de ses richesses, et nous leur assurons le profit solidaire de chacun de nos efforts. Notre victoire personnelle ne se conçoit point sans qu’elle devienne du même coup une victoire collective ; notre recherche du bonheur ne peut s’imaginer autrement que dans le bonheur de tous : la société anarchiste n’est point un corps de privilégiés mais une communauté d’égaux, et ce sera pour tous un bonheur très grand dont nous n’avons aujourd’hui aucune idée, de vivre dans un monde où nous ne verrons point d’enfants battus de leurs mères en récitant le catéchisme, point de faméliques demandant un sou, point de prostituées se livrant pour avoir du pain, point d’hommes valides se faisant soldats ou même policiers, parce qu’ils n’ont pas d’autres moyens de gagner leur vie. Réconciliés parce que les intérêts d’argent, de caste, de position, n’en feront pas des ennemis-nés les uns des autres, les hommes pourront étudier ensemble, prendre part, suivant leurs affinités personnelles, aux œuvres collectives de la transformation planétaire, à la rédaction du grand livre des connaissances humaines, en un mot, vivre d’une vie libre, toujours plus ample, puissamment consciente et fraternelle, en échappant ainsi aux hallucinations, à la religiosité et à l’Église. Et par dessus tout, ils pourront travailler directement pour l’avenir en s’occupant des enfants, en jouissant avec eux de la nature, en les guidant avec méthode dans l’étude des sciences, des arts et de la vie.

Les catholiques ont beau s’être emparés officiellement de la société, ils n’en sont point et n’en seront point les maîtres, parce qu’ils ne savent qu’étouffer, comprimer, amoindrir : tout ce qu’est la vie leur échappe. Chez la plupart, la foi même est morte : il ne leur reste plus que la gesticulation pieuse, les prosternements et les ornements, l’égrenage du chapelet, le ronronnement du