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et lois. Nous réprouvons autant les écoles où l’on enseigne les prétendus devoirs civiques — c’est-à-dire l’accomplissement des ordres d’en haut et la haine des peuples étrangers — que les écoles où l’on enjoint aux enfants de n’être plus que « des bâtons dans les mains des prêtres ». Nous savons qu’elles sont également mauvaises, et quand nous aurons la force, nous fermerons les unes et les autres comme les casernes et les lupanars.

Vaine menace, dira-t-on avec ironie. Vous n’êtes pas les plus forts, et nous commandons encore aux rois et aux militaires, aux magistrats et aux bourreaux. Oui, cela semble vrai ; mais tout cet appareil de répression ne nous effraie point, car c’est aussi une grande force d’avoir la vérité pour alliée et de répandre la lumière devant soi. L’histoire se déroule en notre faveur, car si la science a « fait faillite » pour nos adversaires, elle est restée notre guide et notre soutien. La différence essentielle entre les suppôts de l’Église et ses ennemis, entre les asservis et les hommes libres, c’est que les premiers, privés d’initiative propre, n’existant que par la masse, non par la valeur individuelle, s’affaiblissent peu à peu et meurent, tandis que le renouveau de la vie se fait en nous par l’agissement spontané des forces anarchiques. Notre société naissante d’hommes libres, qui cherche péniblement à se dégager de la chrysalide bourgeoise, ne pourrait avoir aucune espérance de triompher un jour, elle ne pourrait même pas naître, si elle avait devant elle de vrais hommes avec un vouloir et une énergie propres, mais l’immense armée des dévots et des dévotes, flétrie par le prosternement et l’obéissance, reste condamnée à l’ataxie intellectuelle. Quelle que soit, au point de vue spécial de son métier, de son art ou de sa profession, la valeur du catholique croyant et pratiquant, quelles que soient aussi ses qualités d’homme, il n’est au point de vue de la pensée qu’une matière amorphe et sans consistance, puisqu’il a complaisamment abdiqué son jugement et par l’aveugle foi, s’est placé lui-même en dehors de l’humanité qui raisonne.

Toutefois l’armée des catholiques a pour elle la puis-