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l’homme et la terre. — l’angleterre et son cortège.

velle-Zélande, qui peuvent être considérées en puissance comme une autre Angleterre. En superficie, elles sont presqu’aussi étendues, et leur population, qui ne représente encore que le cinquantième environ de celle des îles Britanniques, constitue certainement une élite en comparaison des habitants de la mère patrie. Les premiers immigrants anglais, en 1840, avaient fait choix d’un emplacement qui témoignait déjà en faveur de leur esprit judicieux, car ce port, Nicholson, situé au centre précis de l’archipel et commandant le détroit majeur, nommé en l’honneur de Cook, ne pouvait manquer de devenir un centre de commerce et un lieu de rendez-vous pour la société destinée à s’établir dans ces parages : c’est sur cette baie qu’on bâtit Wellington, capitale des deux îles, dépassée en population par Auckland.

Tout d’abord, les directeurs de l’immigration néo-zélandaise voulurent, comme on avait essayé de le faire en Australie, fonder une communauté modelée complètement sur le type de l’aristocratique Angleterre, avec fiefs inaliénables, paroisses ecclésiastiques, troupeaux de paysans laborieux et de paroissiens fidèles. La Nouvelle-Zélande, semblable à sa mère patrie des antipodes par l’égalité du climat et par la fécondité du sol, commença par lui ressembler politiquement et socialement. Même aristocratie terrienne que dans la Grande Bretagne, même contraste entre propriétaires et travailleurs indigents ; mais il manquait aux seigneurs néo-zélandais le prestige que donne une longue généalogie d’aïeux et l’hébétude traditionnelle des paysans asservis. Le prolétariat de la nouvelle colonie ne s’était pas encore assoupli que la guerre éclata sous diverses formes : grèves, procès, luttes électorales, insultes et violences. Cette fois, le bon droit, soutenu par la très imposante majorité du nombre, l’emporta sur le parti du monopole, représenté d’ailleurs par des nobles combattant par procuration, et ce que le peuple eût pu faire en vertu de sa force, il l’accomplit avec tout l’appareil encombrant du gouvernement et des lois (1891). La révolution fut sans doute très incomplète, très inférieure à l’idéal qui l’avait suscitée, mais ce n’en fut pas moins une révolution, plus effective que tant d’autres plus sanglantes[1].

Dès l’année suivante, la nuée des immigrants brisa forcément les cadres préparés pour eux ; aux colonies de vieux style officiel,

  1. Henry Demarest Lloyd, National Geogr. Magazine, sep. 1902, p. 345.