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peuplement de l’australie

Pourtant la force des choses finira par l’emporter et, malgré les lois édictées par les corps délibérants d’Australie, ce sont des Chinois qui chargent et déchargent les navires devant les quais de Palmerston et qui défrichent le sol environnant.

Evidemment, l’un des points vitaux pour le commerce mondial est indiqué comme devant se trouver dans le détroit de Torrès à l’extrémité orientale de cette admirable avenue dont l’autre extrémité est gardée par Singapur. Le village de Somerset, sur la pointe australienne de York-Peninsula, le marché de Thursday Island — île du Jeudi —, sur un port très fréquenté par les pêcheurs de nacre et d’holothuries, enfin quelques autres groupes de colonisation insulaires, peut-être aussi Port-Moresby dans la Nouvelle-Guinée, tels sont actuellement les seuls indices de la Londres ou New-York future que l’on s’attend à voir surgir dans ce détroit par lequel communiquent les deux océans et qui termine cette merveilleuse avenue d’îles, de cinq à six mille kilomètres en longueur, commençant à l’ouest par Sumatra et finissant à l’est avec la Papouasie. Nulle part sur la rondeur de la planète, terres plus riches, plus abondantes en ressources de toute nature, ne se déroulent en des tableaux plus somptueux et plus grandioses. Il semble inexplicable que, seuls, quelques villages aient surgi à la porte triomphale de l’incomparable chemin des mers, c’est là un fait qui, dans un siècle, sera difficilement compris. Il est vrai que les parages voisins sont rendus fort dangereux par les récifs coralligènes, surtout au passage de la « Grande Barrière », mais l’homme n’a-t-il pas à sa disposition les bouées, les balises, les phares, l’expérience et la sagacité des pilotes, et, au besoin, les explosifs et les dragues ?

A l’est de cette limite naturelle entre l’Australie proprement dite et le monde océanien, la « Bretagne majeure » est encore représentée par des îles très importantes, celles qui constituent la Nouvelle-Zélande, et par l’archipel des Fidji. D’autres puissances ont aussi leur part de cette région du Pacifique : l’Allemagne s’est emparée des principales îles mélanésiennes et, en vertu d’un accord (1899), a partagé les îles Samoa avec les États-Unis, tandis que les îles Tonga étaient abandonnées à l’Angleterre ; conjointement avec cette dernière puissance, la France gouverne les Nouvelles-Hébrides ; de longue date, elle a pris la Nouvelle-Calédonie, moins pour y faire œuvre de colonisation que pour y établir ses dépôts de relégation politique et pénale, jusqu’au jour