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hygiène internationale

objets contaminés de toute espèce, mais à brûler les malheureux, surtout les Juifs, que l’on accusait de répandre les maladies infectieuses : ainsi, pendant la grande épidémie du quatorzième siècle, on brûla deux mille Israélites à Hambourg et douze cents à Mayence. Et jusqu’en ces derniers temps, l’ignorance populaire a toujours cherché à se venger sur l’ennemi du mal qui lui venait de sa propre incurie.

On sait donc de quelle manière il faut combattre les contagions, c’est-à-dire les maladies qui s’attaquent à la race entière et l’on sait amplement aussi comme il faudrait s’y prendre pour écarter, supprimer les maladies individuelles. Toutefois, il ne suffit pas que la science ait prononcé pour que l’humanité se conforme à ses enseignements. Même il arrive que les passions ou les appétits réagissent contre elle et que le mal s’accroisse en proportion directe de la connaissance. Ainsi, l’action funeste des spiritueux a été parfaitement mise en lumière par les hygiénistes, et bien rares maintenant sont les ivrognes invétérés qui ne reconnaissent pas combien sont fondées les critiques et les recommandations qu’on leur prodigue, mais la victorieuse routine leur met le verre de poison dans la main : ils le vident en maudissant leur indigne lâcheté. De même, on ne rencontre que fumeurs déplorant leur asservissement au cigare ou à la pipe, que goinfres vantant la sobriété ! On voit en grand nombre des médecins prêcher d’exemple contre leurs propres conseils. Quand même, il est bon de savoir quelle est la vérité et de la dresser comme un signal au-dessus des pratiques incohérentes de la vie, d’être renseigné sur la route à suivre et de n’avoir plus qu’à demander aux biologistes de faire la clarté définitive sur toutes les questions relatives à l’alimentation, aux maladies, à la santé.

Mais la grande source des maladies, on le sait, est de celles que l’on veut tenir ouvertes : c’est l’inégalité sociale. La cause économique de la richesse et de la misère coïncide exactement avec celle de la vie et de la mort. Dans chaque centre urbain, les statisticiens ont dressé le tableau saisissant de la mortalité suivant l’état de la fortune des classes : la proportion varie du simple au double, au triple, au sextuple. Ici les pasteurs qui prêchent la résignation aux humbles de leurs troupeaux ; là le troupeau lui-même qui marche en foule comme à l’abattoir. Les gens de la classe riche survivent aux conditions les plus contraires à une bonne santé ; ils résistent à la trop bonne chère, aux veilles prolongées, au noctambulisme, aux maladies de la débauche : les soins, les voyages,