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l’homme et la terre. — éducation

contribuer très largement aux préparatifs et à l’achèvement des travaux nécessaires à l’entretien de l’humanité et à l’économie de notre planète.

Les régimes politiques et sociaux contemporains, basés sur la propriété privée et le salariat, défendent qu’on dispose de cette force prodigieuse que des écoles bien comprises tiendraient en réserve, mais les faits qui se sont déjà produits exceptionnellement ici et là, malgré le système d’éducation imposé, justifient amplement la confiance inspirée par la jeunesse aux précurseurs. Quand on ne reculera pas devant le travail, limité de nos jours par la nécessité de mesurer les salaires, rien n’empêchera d’explorer le globe dans tous ses recoins, de procéder à tous les travaux de mesures et de sondages, de faire l’inventaire complet de tout l’avoir mondial, matériel et intellectuel, d’accommoder le globe à l’idéal humain. La force est là dès qu’on ne craindra plus de s’en servir. Mais de toutes les occupations, la plus urgente, celle pour laquelle on est le plus en droit de compter sur le concours des jeunes hommes, c’est l’œuvre de l’éducation des enfants, qui leur permettra de rendre aux représentants de l’humanité future le bienfait qu’ils ont eux-mêmes reçu de la génération précédente ; les années consacrées à l’enseignement ne vaudront-elles pas le service militaire actuel, employé à l’étude du meurtre scientifique ?

L’éducation n’a de valeur, ni même de sens, qu’à la condition de servir dans la vie, après la sortie des écoles, et de se continuer par l’entretien et le progrès des forces intellectuelles. La chose est relativement facile pour ceux dont la profession consiste dans l’application des sciences qu’ils ont étudiées à l’Université ; cependant le plus grand nombre de ces hommes autorisés par leurs diplômes à parcourir une carrière scientifique se laissent aller par la routine à pratiquer simplement leur art et ne savent pas même se maintenir au courant des progrès qui se font dans la science dont ils sont les interprètes officiels ; ils risquent fort de se spécialiser étroitement dans les travaux qui leur procurent le gagne-pain ou la fortune. Le médecin, le juriste, l’ingénieur retombent souvent dans l’exercice de leur métier bien au-dessous de celle limite des examens qu’il leur fut si difficile de franchir une première fois. D’ailleurs, les conditions actuelles de la société, qui sont déterminées par la conquête de l’or, orientent la plupart des hommes de science vers l’acquisition des biens matériels et celle orientation ne se fait-elle pas en mainte circonstance à travers le vrai et le faux.