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association pour l’étude

en vue des observations et des idées, et, dans cet échange, ce n’est pas toujours l’homme nimbé de gloire dont les paroles ont le plus de valeur. Quelle différence entre la science libre, qui fait naître cette belle camaraderie, et la science mise au service de l’industrie et du profit ; par exemple dans ces usines, allemandes surtout, où des chimistes travaillent à côté les uns des autres, en des compartiments fermés, avec défense de se communiquer mutuellement le résultat de leurs analyses et dans l’ignorance de la recherche ultime à laquelle doivent servir les travaux préliminaires !

Ce qu’il faut demander aux étudiants, ce ne sont pas des diplômes, mais des œuvres. Les études étant dirigées dans le sens du travail, et du travail utile, les jeunes gens, garçons et filles, auront à montrer ce qu’ils ont déjà fait pour collaborer aux entreprises communes de l’humanité. De même que le sauvage primitif dut prouver qu’il était un homme avant d’être considéré comme tel, de même que l’ouvrier d’autrefois briguant le rang de maître avait d’abord à produire son chef-d’œuvre, de même tous les jeunes comprendront volontiers, si l’opinion le leur demande, qu’ils ne pourront entrer, à titre d’égaux dans l’assemblée des forts sans avoir fourni des preuves de leur participation à des travaux sérieux d’utilité publique, et surtout à ceux que l’on ne peut accomplir sans esprit de dévouement et sacrifice.

Les études techniques spéciales à Moscou, à Boston et en mainte autre cité ont démontré que l’on peut attendre des merveilles du labeur d’enfants et d’adolescents travaillant avec enthousiasme en amis et en émules. Il n’est pas une usine, pas un pont, un chemin de fer ou une locomotive, dont on ne pût confier la construction à des groupes de jeunes hommes ayant étudié pendant quelques années dans les ateliers et à pied d’œuvre. De même, les nuées des élèves infirmières de Londres montrent jusqu’où peuvent aller les soins donnés aux malades unis au souci de la dignité personnelle. Si la jalousie, actuellement très justifiée, des travailleurs et employés qui gagnent âprement leur vie aux travaux de toute espèce ne s’opposait à l’accroissement de cette concurrence désastreuse que leur font déjà les couvents, les prisons, les dépôts de mendicité, où les entrepreneurs disposent d’un labeur presque gratuit, il n’est pas douteux que les millions d’élèves et d’étudiants occupés maintenant presqu’exclusivement à des devoirs de récitation pourraient, au grand profit de leur savoir et de leur santé,