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l’homme et la terre. — éducation

d’ordinaire un terme à tout enseignement : l’appropriation retranchait la femme de la société.

C’est également en vertu de ce principe, la dépendance de la femme relativement au père et à l’époux, que, dans la plupart des nations modernes, la pratique s’est établie d’élever les jeunes filles complètement à part des garçons : logiquement on les préparait à leur subordination et l’enseignement qu’on leur donnait était plus ou moins édulcoré par des mensonges et des mièvreries. Il était admis que plus de précision convenait aux hommes, aux femmes plus de fioritures insipides, plus de prétendue morale. Mais du moment que l’on a compris le respect dû à la science et le droit de tous à connaître la vérité pure, il n’y a plus de raison plausible à la différence de nourriture intellectuelle pour les deux sexes. Du reste, les jeunes filles ayant forcé les portes des universités sont venues s’asseoir autour des chaires professorales, côte à côte avec les jeunes hommes, d’autre part, une pratique de longue durée a consacré l’éducation en commun des enfants en bas âge dans les écoles maternelles et la coéducation à l’école primaire ne suscite guère d’objection. Il n’y a plus, en pays latins, que l’enseignement secondaire que l’on persiste à maintenir distinct pour garçons et filles. Comme exemples, on a, d’une pari, les écoles mixtes de Finlande, de Scandinavie, des Etats-Unis, de l’Ecosse et de Hollande, d’autre part, les lycées français, où le ton moral est certes assez bas. Les uns veulent voir là une différence ethnique, les autres, la preuve de la supériorité de la coéducation. Les rares écoles de France et d’Espagne où les enfants sont élevés ensemble avec une sollicitude parfaite démontre, semble-t-il, que la communauté des études et des jeux crée une atmosphère propice au développement normal des fonctions durant la crise de la puberté.

Il résulte du rapprochement des sexes en un même milieu d’étude que l’ignorance mutuelle et l’hostilité forcée entre hommes et femmes s’atténuent graduellement ; l’abîme creusé jadis par les malédictions de l’Eglise se comble peu à peu, et la différence d’évolution d’un sexe à l’autre s’amoindrit à mesure que le trésor commun de richesses scientifiques devient la propriété de tous. Une sorte d’égalisation se fait entre étudiants et étudiantes, tandis que la différence éthique de sexe à sexe reste beaucoup plus marquée entre le jeune homme échappé à la direction de ses parents et la jeune fille laissée à côté de sa mère pour soigner les enfants et prendre part aux occupations du ménage.