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l’homme et la terre. — éducation

qu’on apprend à les observer, à se faire une idée précise et cohérente du monde extérieur. C’est bien timidement que les parents et éducateurs s’engagent dans cette voie de l’ « école buissonnière ». Et pourtant quel bienfait d’arriver à combiner la santé physique et la santé morale par le travail joyeux au dehors, en plein air et libre campagne.

C’est ainsi qu’à Coupvray (Seine-et-Marne), les garçons de l’école s’étaient constitués en société ornithophile et que, en 1898, ils protégeaient 570 nids d’oiseaux, au grand dam des loirs, belettes, rats et souris[1]. Dans le Jura, les écoliers de Cinquétral, près de Saint-Claude, se sont mis au reboisement des pentes ravinées, et c’est avec un légitime orgueil qu’ils montrent sur les versants des environs les 15 000 arbres qu’ils ont plantés et qui protègent mainte prairie contre la destruction par les eaux mauvaises.

Ces travaux utiles en pleine nature, comportant les rudiments des métiers qui furent ceux des primitifs et se sont développés depuis en une industrie puissante, les œuvres d’architecture, de sculpture et de dessin, qui plaisent tant à la plupart des enfants et auxquelles se rattachent l’art de l’écriture et, par contre coup, celui de la lecture, enfin le chant, la danse, la mimique, les belles attitudes rythmées, tel est l’ensemble des occupations qui doivent préparer l’enfant à la série des études ultérieures destinées à en faire un homme. Il faut y ajouter aussi ce que l’on peut apprendre de mathématiques en traçant des figures sur le sable, car la géométrie et l’algèbre sont d’admirables moyens pour donner une forme logique à la pensée et à ses expressions : celui qui apprend à mesurer les dimensions s’instruit également dans l’art d’enchaîner ses raisonnements et de régler ses paroles. Quant aux études spéciales qui succéderont dans les années de l’adolescence, elles varieront suivant les individus, car il importe que l’enseignement s’adapte à chaque nature en particulier et la dirige conformément à sa vocation personnelle. Toutefois il est bon que nul élève ne reste sans acquérir des « clartés de tout », afin qu’il trouve sa joie dans tous les progrès de la science et de l’art et qu’il puisse toujours prendre une part active aux conversations engagées par ses compagnons sur les travaux qui les intéressent spécialement. Puisqu’il est impossible de tout savoir, que du moins chacun apprenne ce qui lui convient, et qu’il l’apprenne avec

  1. Revue Scientifique, 13 févr. 1899, p 128.