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l’homme et la terre. — la religion et la science

trouvent en vertu de leur doctrine rejetés forcément du côté de l’ombre et devenus les ennemis honteux du savoir, il leur est permis d’affirmer en toute vérité que les civilisations antérieures mêlèrent l’art au culte religieux de la façon la plus intime. Il ne pouvait en être autrement aussi longtemps que les grandes manifestations de la vie nationale n’étaient pas encore différenciées ; elles se présentaient en un tenant et l’on pouvait ainsi se méprendre plus facilement sur leur origine. Les Chaldéens et les Perses, les Grecs et les Romains avaient donné à leurs prêtres la splendeur des costumes et la pompe des cérémonies ; les mêmes
Cl. du Globus.
ancienne peinture abyssine
La Sainte Vierge sous la forme d’une colombe rend la liberté à un prisonnier. Voir l’article du Globus, 1904, 2. p. 327, d’après le voyage du Dr C. Keller.
ancêtres spirituels ont transmis aux chrétiens leur plain-chant solennel. Les corps de métiers de Bysance et de l’Europe occidentale ont élevé des basiliques admirables qui sont maintenant la propriété de l’Eglise, et que celle-ci s’imagine avoir évoquées du sol comme par un acte de foi ; puis sont venus peintres et sculpteurs qui ont décoré les nefs et les chapelles et transformé telle cathédrale en un véritable musée.

Ainsi, tous les arts nés de l’initiative individuelle, et presque toujours sous l’influence de quelque poussée de rébellion, se sont associés en cortège à la religion catholique, et celle-ci, forte du concours des siècles, peut déployer devant la foule confondue l’ampleur de ses processions orgueilleuses. Cependant ce qui fut séparé dans l’origine a repris de nouveau son originalité propre, de même qu’en un tronc d’arbre la branche reprend l’indépendance de la racine. Chacun des arts s’est franchement émancipé de l’Eglise ; tout ce qui est jeune, nouveau, créateur se fait en dehors d’elle. Quelles tristes productions que tous ces tableaux à couleurs symboliques, ces statues auréolées dont les évêques font la commande aux artistes besogneux, et combien lamentable d’aspect sont les bâtisses religieuses non copiées