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œuvre des missions

leur prêtent de l’argent à gros intérêts, hypothéqué sur les rizières communales : en peu d’années, les villages, ruinés par le service des annuités, sont obligés de vendre. Les Pères arrondissent leurs biens aux dépens des campagnards ; la mendicité fait son apparition dans un pays qui n’avait point de pauvres[1].

C’est ainsi que les églises, catholiques ou protestantes, cherchent à s’étendre
l’église de santa-cruz, vue de profil
Brésil, province de Espirito Santo.
dans le monde, beaucoup plus pour la conquête du pouvoir que pour la joie d’embrasser de nouveaux frères. Dans ces conditions, les récentes annexions de peuplades ne peuvent guère être que des apparences. L’accroissement du domaine coïncide avec un décroissement réel de la foi. Si des milliers de missionnaires protestants, disposant d’un budget qui suffirait à un État de second ordre, prêchent leurs doctrines plus ou moins concordantes à des millions d’Hindous et de Chinois, de jaunes et de jaunâtres, cela n’empêche pas que dans les pays mêmes d’où partent les convertisseurs, les principes du dogme primitif ne résistent pas aux attaques et que des idées nouvelles, indiquant l’influence ratiocinante des irréligieux, pénètrent de plus en plus dans l’enseignement des églises. De même, si la propagande catholique s’exerce dans le monde entier et si des gens parlant des centaines de langues diverses s’essaient à dire en latin des Pater noster et des Ave Maria, si des églises s’élèvent de toutes parts, cela

  1. Félicien Challaye, Cahiers de la Quinzaine, 16 janv. 1902, pp. 53 et suiv.