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existence contre nature de l’ouvrier

rongées, brûlées par la misère, l’excès de travail et l’eau-de-vie, par une existence contre nature[1] !

femme cloutière à musgrove, comté de worcester

De nombreuses femmes s’adonnent à ce métier dans le district de Musgrove. Le taux de fabrication est de 68 centimes pour 1 150 clous. Deux travailleurs employant la même forge quinze heures par jour arrivent à se faire 15 francs par semaine, desquels il faut déduire 1,90 de charbon et 4,40 de location de maison avec atelier ; il reste 8,70 pour leur nourriture, l’habillement, etc. D’après Florence Thoine Ring, dans Sweated Industries, p. 52.

Il est certain que de nos jours, l’ouvrier, même réputé libre, travaille « moult tristement » en comparaison des artisans de l’antiquité qui accomplissaient la besogne correspondante : au moins ceux-ci avaient le rythme sinon la musique, pour les soutenir, les encourager, leur faire perdre conscience de leur trop pénible labeur[2]. Le joueur de flûte ou de tympanon allégeait la besogne même de l’esclave, tandis que, de nos jours, le silence absolu est devenu la loi de l’ouvrier d’usine ou de

  1. Arsène Dumont, Etude sur Lillebonne.
  2. Karl Bûcher, Arbeit und Rythmus