Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome VI, Librairie universelle, 1905.djvu/32

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
l’homme et la terre. — l’angleterre et son cortège.

sont les résidences de tous les hauts prébendiers de l’église. Ce sont là des pratiques toutes différentes de celles du continent, où les cathédrales, nées du cœur même de la cité, au centre de son activité, au croisement des grandes rues, ont été bâties, non par des évêques mitrés ou des prélats casqués, mais au milieu du peuple même qui les édifiait et dont les corps de métier se réunissaient dans leurs propres chapelles, ornées de leurs chefs-d’œuvre. Presque partout des maisons entouraient les bas côtés de l’église et s’incorporaient avec elle. Après la Réformation, qui se fit en Angleterre sous le couvert d’une fiction, la continuité parfaite dans la consécration des évêques et l’organisation de l’Eglise, les prélats gardèrent leurs châteaux, leurs domaines, leurs larges prébendes et restèrent comme avant en dehors du peuple. On le vit surtout dans les parties de la contrée où les populations ne furent pas entraînées dans le mouvement du protestantisme, dans l’Ecosse gaélique, en Irlande, dans le Pays de Galles : les grands feudataires ecclésiastiques y devinrent de purs dominateurs étrangers, répugnant d’ordinaire à respirer le même air vital que leurs sujets méprisés ou haïs et dépensant dans les capitales le produit des dîmes recueillies de force ; un fossé de séparation complète devait donc se creuser entre les prétendus maîtres spirituels et les fidèles, entre les bergers et les troupeaux d’ouailles. La masse du peuple opprimé cherchait d’autres interprètes auprès de la divinité, soit parmi les héritiers de l’ancienne foi catholique, soit parmi les sectes novatrices ; même de vrais révoltés, fils de ceux qui, pendant la période de la Révolution, ne craignirent pas de toucher à la personne du roi, se laissèrent aller jusqu’à une dissidence complète et donnèrent à leur communauté religieuse des formes républicaines, parfois même égalitaires. Mainte secte se débarrassa des prêtres, du rituel, de la liturgie, parfois pour les reconstituer sous de nouveaux aspects et avec des exigences plus rigides. Quoi qu’il en soit, l’esprit d’indépendance et, plus encore, celui de rébellion, pénétra dans ces couches populaires, souvent persécutées ou au moins opprimées de diverses façons et toujours tenues pour suspectes. C’est parmi les dissidents que se recrutent les ennemis de l’aristocratie de châteaux, fatalement complice de l’aristocratie d’église. Quoique les cérémonies officielles se célèbrent encore en grande majorité sous le couvert de l’église anglicane, faisant ainsi croire à la supériorité numérique des fidèles de cette confession, c’est bien parmi les dissidents