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famines et réserves

étaient si difficiles et si coûteuses que le trafic s’arrêtait à de faibles distances des grands chemins de la mer et des rivières navigables. Dans l’intérieur des terres, on conservait les blés non en vue de la vente mais en perspective des disettes futures ; on ne pouvait s’occuper que du temps, non de l’espace. De même qu’aux âges lointains de l’antique Égypte, on emmagasinait tous les excédents en des greniers de réserve au risque de les voir dévorer par les charançons et les rats.

Cl. du Photo-Globe.

la moisson au japon


Ces « magasins d’abondance » contenaient quelquefois des blés centenaires : la réserve de Strasbourg, en 1633, renfermait encore des blés de 1525 et même de 1439 conservés à grands frais et avec d’infinies précautions. Dans les provinces différentes, les prix variaient fréquemment de l’unité au décuple ou même davantage ; en 1197, le blé se vend seize fois plus cher dans le Cotentin que dans le pays d’Auge ; en ramenant les monnaies et les mesures à celles de nos jours, on constate que les prix de l’hectolitre de froment oscillent entre 87 centimes, près d’Evreux, et 43 fr. 50 près de Strasbourg. Aussi la famine est-elle une visiteuse constante, attendue, toujours présente en quelques parties de l’Europe, tou-