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misère du paysan

fatigue en tirant la charrue. Le collecteur d’impôts arrive au débarcadère, accompagné d’agents armés de bâtons, de nègres avec des branches de palmiers. Tous disent : « Donne-nous de ton blé », et il n’y a pas moyen de repousser leurs
une forêt de bambous (Phyllostachys quilioi)
D’après le National Geographical Magazine, 1904.
Le bambou atteint son maximum de hauteur en une seule saison. Les arbres de cette forêt sont âgés d’une quinzaine de jours.
extorsions. Puis le mal heureux est saisi, envoyé aux corvées de canaux, sa femme est attachée, ses enfants sont dépouillés… »

Ce qu’étaient les paysans, il y a deux siècles, pour la société policée « de la ville et de la cour », on le sait par la poignante description que fait La Bruyère ; toutefois, il est probable que cette page terrible est d’une vérité seulement partielle, déjà effroyable puisqu’elle s’appliquait à des millions d’êtres humains. Un observateur tel que le peintre des Caractères devait avoir étendu son champ d’études sur l’ensemble de la nation et ce qu’il écrivit sur l’état des paysans doit être surtout compris comme un acte d’accusation contre le régime politique et social qui pesait sur le peuple. Du maréchal de Vauban à Richard Heath[1], c’est la description du même tableau, l’exposé des mêmes plaintes. D’autres documents, fort tristes à voir, nous montrent l’impression géné-

  1. Dîme Royale. — The Via dolorosa of the English Peasant.