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l’homme et la terre. — la culture et la propriété

contre les chasseurs ; la race de ces bisons est, du reste, d’un type plus long et plus épais que celle des plaines mississippiennes.

Le bison des États-Unis, désormais parqué, vivra peut-être, mais il est à craindre que le bison d’Europe succombe, car le troupeau de la forêt lithuanienne de Bela Veja, qu’il est défendu de chasser, diminue graduellement en force numérique depuis le milieu du siècle : on y comptait environ 1 900 bêtes en 1856 ; quarante ans après, elles n’étaient plus que 600, car si l’on prend soin de les nourrir pendant l’hiver, en leur ouvrant des granges pleines de foin, on n’a encore pu les protéger contre les loups ; en outre, d’après quelques naturalistes, la décroissance de la race serait due à la consanguinité, et il y aurait urgence de les croiser avec des bisons qui se trouvent encore dans le Caucase[1] et les autres représentants de la race conservés çà et là en des forêts privées. On désigne souvent le bison de Lithuanie par le nom d’auroch, c’est une erreur : il y a peut-être trois siècles que ce dernier animal a cessé d’exister comme le cerf megaceros et tant d’autres animaux des temps préhistoriques.

Si l’homme ne revient pas à la bonté, le caribou du Grand Nord, ou renne du Canada, partagera le sort du bison dans un avenir prochain. Indiens et Esquimaux, de même que les rares voyageurs blancs qui pénètrent dans les solitudes canadiennes, au nord du lac de l’Esclave, tuent chaque année des milliers de caribous, soit pour leur chair, soit seulement pour les langues, morceau de choix. La chasse s’en fait donc uniquement pour le « plaisir ». Certains territoires où ils étaient naguère fort nombreux en sont maintenant tout à fait dépeuplés[2].

Il existe bien d’autres espèces que l’homme a appris à utiliser, mais la plupart sont des auxiliaires de la chasse et de la pêche, et participent à cette œuvre de destruction où l’homme est si expert ; tels sont le furet, la loutre, l’épervier, le faucon, le cormoran, l’once, la panthère, le lion même. D’autre part, en dehors de nos basses cours et de nos parcs, de nos fermes et de nos volières, l’agriculteur a domestiqué le lama, la vigogne, le renne, le dromadaire, le chameau des terres africaines et asiatiques ; celui-ci est également acclimaté en Australie où, l’élevage n’ayant pas été abandonné au hasard, on a des individus de beaucoup supérieurs à ceux de l’Inde par la taille, la force, la résistance[3] ; le rhino-

  1. Revue Scientifique, 26 sept. 1896, p. 406.
  2. J. Mackintosh Bell, Geographical Journal, sept. 1901.
  3. David Carnegie, Scott. Geogr. Magazine, 1898, p. 113.