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l’homme et la terre. — l’état moderne

de l’organisation industrielle et qu’elles représentent à maints égards un héritage du temps de Louis XIV, aux formes lourdes et surannées. On peut juger de ce manque d’adaptation des armées à la vie moderne en comparant, par exemple, les forces militaires de la France et de l’Europe centrale à celles de la Suisse, où l’on s’est efforcé d’organiser les troupes en forces vraiment défensives, sans interruption complète de leur vie civique et industrielle. Pour rester à la hauteur de la science, le système militaire devrait évoluer continuellement. Loin de là, chaque jour rend plus patente la rupture d’équilibre.

Cl. J. Kuhn, à Paris.

le havre, entrée du port à marée haute


Avec la puissance terrifiante des armes modernes, s’est parallèlement accrue la valeur relative de l’initiative individuelle ; or, comment développer cette initiative sans l’intelligence, et comment développer l’intelligence tout en maintenant l’obéissance passive ? Comment empêcher que chaque soldat constate, en son for intérieur, la ridicule défectuosité de l’organisation militaire et la futilité, l’inanité des efforts que l’on réclame de lui ? Comment ne sentirait-il pas plus lourdement chaque jour le poids du sacrifice qu’il fait en abandonnant travail et famille pendant trois ans, et même pendant deux ans ? Et, aucun citoyen ne pouvant se soustraire au service personnel, comment éviter que se répande dans la nation entière la conviction que l’armée permanente a fait son temps ?