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l’homme et la terre. — le nouveau monde et l’océanie

C’est donc l’ensemble des modifications apportées par les civilisés qui mène
Cl. du Globus.
poutre du logis
Sculpture maori.
l’Océanien sur la route de la mort, d’autant plus loin que les changements quelconques, bons ou mauvais, indispensables ou accessoires ont été plus nombreux. On sent combien était juste la réponse faite à l’honnête Gordon par une peuplade qu’il avait le remords d’avoir initiée à la civilisation : » Que puis-je faire pour vous ? » « Rien, nous n’avons besoin de rien. Allez-vous-en, c’est la seule chose que nous vous demandions ».

Dans le langage convenu des adulateurs de toute oppression, il est souvent fait mention du « sceptre » et du « joug » de la civilisation, et, plus souvent, de son « égide » protectrice, de son « bouclier », de sa « torche » et de son « auréole ». Mais un explorateur américain emploie un autre terme moins poétique, le « fouet » ; d’après lui c’est par la courbache qu’il faut dresser les simples au travail exigé par la société moderne[1]. Hélas ! sans avoir formulé cette théorie, nombre de planteurs l’ont appliquée déjà en Calédonie, dans les Nouvelles-Hébrides, aux îles Fidji, à Samoa, dans les Sandwich, où, d’ailleurs, le « fouet » n’a pas mieux réussi que le « bouclier » et « l’auréole ». Les indigènes ont continué de s’avilir et de dépérir.

La maladie et la mort ont donc saisi les habitants de ces îles fortunées, et, pourtant, il n’y a point à désespérer. Dans l’histoire de l’humanité, nombre de groupes ethniques, saisis par le remous des forces en lutte, semblaient aussi près de la mort que le sont de nos jours les Océaniens ; quand même, ils ont repris et prospéré de nouveau.

  1. George Earl Church, Geographical journal, Aug. 1901, p. 153.