Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome VI, Librairie universelle, 1905.djvu/159

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
143
migrations des polynésiens

courant régulier qui, des deux côtés de l’équateur, coule au milieu du courant majeur des eaux du Pacifique[1]. Dans leurs grandes expéditions, les marins océaniens pouvaient donc se laisser porter alternativement à l’est et à l’ouest, sur la rondeur du globe. C’est à ce courant de reflux que de Quatrefages attribue le rôle principal dans l’histoire du peuplement des îles d’Océanie.

Mais, en fait, il fallait les découvrir, et c’est en cela que l’on doit admirer l’initiative et l’audace qui se développa chez les insulaires du Grand Océan
Cl. du Globus.
bateau de haute mer
autrefois employé à Samoa.
pendant la série des siècles, par suite des mille expériences qui se succédèrent, et qu’ils assurèrent par un enseignement régulier de nautique, de météorologie et d’astronomie. Très certainement, les marins autochtones de l’Océanie furent souvent guidés dans leurs migrations par l’observation de la marche des cétacés et des poissons et par le vol des oiseaux, notamment à leurs points de départ et d’arrivée. Dans la Nouvelle-Zélande, les Maori désignent une espèce du genre coucou par le nom d’ « oiseau de Havaï-ki » et racontent qu’il retourne en hiver au pays de leurs ancêtres. La plage sur laquelle les oiseaux s’assemblent avant le départ est dite la « baie des Esprits » : sans doute on s’imaginait que les oiseaux eux-mêmes étaient les âmes des Maori s’envolant vers la terre des aieux[2].

En cette œuvre immense de peuplement, les Polynésiens eurent pour eux la longue série des siècles : les migrations ne se firent point d’un coup, mais à mille reprises différentes et avec des succès ou des insuccès divers, déviations et retours ; mainte expédition disparut par les naufrages, par les batailles, par la faim. Souvent aussi des bandes de migrateurs d’origines distinctes débarquèrent dans une même île et le régime

  1. Voir la carte des courants du Pacifique, p. 397, tome IV.
  2. Taylor White, Nature. May, 1899, p. 30.