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l’homme et la terre. — le nouveau monde et l’océanie

vers le centre du monde, et, suivant leurs tendances personnelles, leur développement propre, c’est à Paris qu’ils demandent le bien ou le mal, la science, l’art, la poésie, les idées de renouveau ou les futilités de la mode, les niaiseries du faux esprit, les perversités du vice. Dans cette importation intellectuelle et morale se réunissent tous les éléments de la culture moderne et se puise la force de résistance contre ce que l’américanisme yankee a de trop étroit et, parfois aussi, d’insolemment provocateur. Néanmoins, le danger est toujours là, même celui de la conquête, de l’annexion brutale, et le grand art de la diplomatie mexicaine doit être d’éviter, sans faiblesse, toute occasion de conflit avec la puissante nation voisine.

Et même si le Mexique réussit, à force de sagesse, à maintenir sa parfaite indépendance, il peut craindre de se trouver un jour complètement entouré, lié, pour ainsi dire, dans un cercle de fer. Au nord, au nord-est la pression des Anglo-Américains doit évidemment s’accroître chaque jour ; — de même à l’est, où le pavillon des États-Unis, traversant la mer dans tous les sens, flotte comme sur son domaine ; à l’ouest l’immense océan Pacifique est aussi revendiqué par les marchands de la Californie comme devant leur appartenir un jour ; enfin au sud, le gouvernement de Washington se gère déjà en maître sur les deux régions isthmiques de Nicaragua et de Panama. Suivant les intérêts de sa politique et les désirs de ses financiers, il envoie des invitations, qui sont en réalité des ordres, il débarque même des troupes et fait occuper militairement les points stratégiques. Nul doute qu’avec l’importance du lieu de passage, ses exigences croissent, et, lorsque le canal sera parachevé avec tout son outillage, il semble inévitable que les hommes du Nord en possèdent les rives. Alors le cercle serait définitivement tracé autour de la république mexicaine. Elle doit comprendre combien elle est solidaire de toutes les petites républiques de l’Amérique Centrale. Chaque coup qui les frappera retentira sur elle en plein cœur. Ce n’est donc pas seulement à son propre salut d’indépendance qu’elle doit viser, mais également à celui des autres groupes hispano-américains.

Une individualité géographique bien nettement déterminée contribue par sa forme même à donner aux peuples qui l’habitent, si divers qu’ils soient, une tendance à l’unité. Le mélange des nations s’y fait d’une manière plus intime, grâce aux remous qui se produisent aux points de