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l’homme et la terre. — le nouveau monde et l’océanie

hors de la petite réserve légale de Quallah et du territoire Indien, de la rive gauche de l’Arkansas, en aval de son confluent avec la « Canadian River », jusqu’au cours moyen du Cimarron[1].

Une autre preuve de la ténacité vitale des Indiens nous est fournie par l’évolution qui s’est accomplie chez eux, sous l’influence de leurs voisins les « Visages Pâles, mais toujours avec une certaine originalité. Les Tcheroki nous en donnent encore un exemple. L’un d’eux, Sequiah, ayant compris la puissance intellectuelle que le livre assurait aux blancs, oppresseurs de sa race, voulut aussi relever les siens dans la communion de la pensée écrite, reproduite par l’impression, mais il crut qu’un syllabaire, au lieu d’un alphabet, conviendrait au génie de sa langue, et ses contribules, consultés par lui en grand conseil, ayant partagé son avis, il fut décidé que désormais les journaux et les actes de la nation seraient écrits au moyen des signes de Sequiah : en trois mois, tous les Tcheroki étaient devenus des lettrés dans leur idiome.

Au point de vue religieux, l’influence anglo-américaine s’est également fait très fortement sentir, même sur les aborigènes qui sont encore en état de guerre contre les « Visages Pâles ». De nombreux messies se sont levés, excitant les Indiens à la lutte et périssant avec eux dans les combats. D’ailleurs, ces prophètes indigènes ne se bornaient pas à pousser le cri de vengeance ou de haine contre l’étranger, la plupart prêchaient aussi leurs idées de réorganisation sociale en s’attaquant toujours à ce qu’ils considéraient justement comme la racine même du mal, l’accaparement de la propriété commune par l’individu privé. Dans ces derniers temps, la propagande religieuse la plus efficace s’est faite en faveur d’une doctrine de paix, née sans doute de ce que l’Indien a reconnu l’impossibilité de prolonger la lutte. « N’agissez mal envers personne ; faites toujours le bien, ne mentez point ; ne pleurez point quand vos amis succombent ; ne combattez point ». Tels sont les enseignements du prophète des Paï-Utah, Wovoka, « le Coupeur », appelé aussi Kwohit-sang ou le « Grand Ventre Grondant ». Et ces paroles, accompagnées de la « danse des esprits », ont été entendues par la plupart des Indiens d’outre-Missouri : une religion commune les unit[2]. Ce n’est là, sans aucun doute, qu’un acheminement vers un état d’âme analogue à celui des blancs américains, chez lesquels la religion mo-

  1. Mooney, Bureau of American Ethnology, vol. XIX.
  2. Paul Carus, Yahveh and Manitou, Monist, april 1899.