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l’homme et la terre. — le nouveau monde et l’océanie

Tennessee, le chiffre total de la population tcheroki, calculé d’après le nombre des guerriers, était d’environ quinze mille individus. Pendant le cours du siècle, la nation s’accrut d’un bon quart, malgré les refoulements successifs et les nombreuses luttes suscitées par la rivalité des Français et des Anglais. La guerre de l’Indépendance ayant entraîné les Tcheroki dans son tourbillon, ils furent décimés à nouveau et retombèrent au nombre de quinze mille, puis, durant la période de paix qui suivit, se relevèrent de nouveau. Arriva la période de l’expulsion et du transfert de la tribu dans le territoire « Indien », au delà du Mississippi, sur les bords de l’Arkansas : un premier lot d’émigrants, confiants dans les promesses de l’  « Oncle Sam », consentit à partir ; mais il se trouva que le territoire concédé était occupé déjà par d’autres Indiens, les Osages. Il fallut d’abord régler les droits respectifs par la guerre, puis, après une occupation de quelques années, se défendre contre de nouveaux envahisseurs blancs. Le mouvement de migration se continua vers le Texas, alors république indépendante, qui leur concéda des terres dans les plaines des rivières Sabine, Angelina, Neches, Trinity, mais les leur enleva peu d’années après. Ce furent de nouvelles migrations, de nouveaux combats, et la dispersion presque complète de cette fraction de la nation tcheroki, à l’exception d’une bande qui réussit à franchir la frontière mexicaine et trouva enfin un asile au sud de Guadalajara, sur les rives du lac Chapala. Leurs descendants y vivent encore et sont fiers de se dire citoyens de la République de Mexico.

Mais le gros de la nation restait dans les montagnes des Appalaches. Le général Scott, celui-là même qui, plus tard, « entra dans la gloire » comme triomphateur du Mexique, eut la mission de traquer les Tcheroki, de les pourchasser de vallée en vallée, de brûler leurs campements et leurs moissons, de dévaster leurs tombeaux ; après une campagne des plus ardues qui dura cinq années, il réussit en effet à déloger les Indiens de toutes leurs retraites, sauf des hauts escarpements de Quallah, dans les monts de la Caroline du Nord, où vit encore un petit groupe de pure descendance tcheroki. Quant à la multitude des captifs, elle fut emmenée lentement, avec malades, enfants et vieillards, à travers l’immensité du territoire américain. En 1838, lorsque ces malheureux arrivèrent dans le territoire qui leur avait été assigné comme patrie nouvelle, ils avaient perdu plus de la moitié des leurs et