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l’homme et la terre. — le nouveau monde et l’océanie

dises. Le mouvement de la population a dû se porter à côté de l’obstacle et du canal qui le contourne, et Louisville a grandi au détriment des villes du cours inférieur de l’Ohio. Il s’est substitué pour une bonne part comme nœud vital au confluent du Mississippi et de l’Ohio, qui, d’après les simples indications de la carte, semblerait devoir être le point central de peuplement dans le bassin de l’Ohio inférieur. La nature s’y opposait. Du sol bas, vaseux et insalubre, les fièvres s’élevaient en brumes, le cours changeant des énormes masses d’eau modifiait constamment les chenaux, les ports, les péninsules et les bancs de sable : le vaillant et ingénieux Américain n’a pu réussir, malgré de superbes travaux hydrauliques, quais, digues et remblais, à faire une grande cité de l’agglomération à laquelle il avait déjà donné ambitieusement le nom de Cairo, comme la capitale de l’Egypte. Ce n’est qu’un lieu de passage rapide, non de séjour et de résidence.

L’axe naturel de toute la République américaine, le cours du Mississippi, doit être également bordé de centres puissants. La double cité, Saint-Paul et Minneapolis ou « Minnapaul », en est la plus remarquable par l’étrange rapidité de sa croissance : les deux villes, situées sur deux méandres rapprochés, se sont précipitées, pour ainsi dire, l’une vers l’autre, entraînées comme par une sorte de vertige, mêlant leurs usines, leurs baraques et leurs palais, leurs belles avenues et leurs amas de charbon, de plâtras, de débris. Vers le milieu de l’axe mississippien, une autre cité se présente, Saint-Louis, construite à une certaine distance du trait géographique auquel son importance est due, le confluent du Missouri. Ce qui fait de Saint-Louis l’une des métropoles de la république nord-américaine, ce qui lui a même permis longtemps de revendiquer comme devant lui appartenir le rang de capitale des Etats-Unis, c’est qu’elle occupe, sinon le centre géométrique du moins le vrai centre politique du territoire de la fédération, au milieu de la vallée majeure qui le divise en deux moitiés ; dans le voisinage, les deux affluents, Ohio et Missouri, forment avec le Mississippi une sorte de croix à travers le pays. C’est plus à l’ouest que tombe le centre de figure de tous les Etats-Unis sans y comprendre l’Alaska, plus à l’est, au contraire, que se maintient, avec des oscillations incessantes, le centre de population, progressant vers l’ouest de décade en décade. Or, c’est entre ces deux points, l’un géométrique, l’autre dynamique, vital, que se trouve Saint-Louis, profitant des avantages naturels qui dérivent d’une