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mexique, amérique centrale

qu’une part assez nonchalante et subirent successivement des tyrannies diverses, dont l’étiquette est devenue républicaine depuis 1823. Le travail intime qui se produisit dans ces nations où, sauf dans le Costa-Rica, l’élément indigène, encore mal « latinisé », l’emporte de beaucoup, consista surtout dans le conflit entre les deux tendances de la centralisation politique et de l’autonomie locale. Le manque forcé de relations entre des foyers de vie très éloignés, n’ayant aucun centre de puissance d’attraction considérable, a nécessité la rupture de la région isthmique en États correspondant à autant de pays ayant chacun leur caractère physique bien déterminé, une véritable individualité géographique. Le Guatemala possède une ossature continue de plateaux et de cônes volcaniques parallèles à l’Océan : le Salvador, beaucoup plus populeux en proportion mais de bien moindre étendue, ouvre de larges vallées entre ses volcans alignés ; le Honduras se déploie en un immense éventail vers la côte basse de la mer des Antilles, tandis que son versant méridional s’incline en un hémicycle régulier autour du golfe de Fonseca ; le Nicaragua n’a de régions peuplées que sur le pourtour de son grand lac, élevé seulement d’une trentaine de mètres au-dessus de la mer, et le Costa-Rica est une zone transversale de grande hauteur se redressant entre les deux mers et bordée au nord d’une chaîne de volcans. L’ensemble de l’Amérique Centrale, sinueux et découpé, n’a point d’unité géographique, et la nature, autant que la rivalité des ambitions locales, a contribué à l’insuccès des tentatives de fédération qui se sont produites à diverses reprises pendant le cours du dix-neuvième siècle.

Dans le continent méridional du Nouveau Monde, les grands intérêts avaient gravité principalement autour de Buenos-Aires et de l’estuaire de la Plata dont l’importance commerciale était déjà grande et dont il était facile de prévoir les hautes destinées mondiales. Les Anglais, devenus les maîtres incontestés de l’Océan après la destruction des flottes espagnole et française à Trafalgar, s’étaient empressés, en 1806, de faire une démonstration navale devant Buenos-Aires et de proposer aux Argentins leur patronage et leur concours en cas de révolte contre l’Espagne. Mais on se défia prudemment de leurs offres intéressées et par deux fois les « Portenos ou résidants du Port » de Buenos-Aires les obligèrent au rembarquement. C’est à la pleine indépendance qu’ils pensaient déjà, et dès le commencement de 1810 une junte révolutionnaire s’installait dans la capitale. En peu d’années, les insurgés arrachèrent tout le territoire