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l’homme et la terre. — la révolution

beaux et tout ce qui restait de l’antique civilisation égyptienne représentaient sur la terre d’Afrique la poussée triomphante de l’esprit du dix huitième siècle, devenu volonté, grâce à la Révolution française. Ce concours de recherches intelligentes devait aboutir à la reconquête de toute une histoire passée que l’on croyait à jamais ensevelie. La pierre que l’on découvrit à Rosette, et que les hasards de la guerre ont fait transporter au British Muséum, mit, grâce à son inscription trilingue, les chercheurs sur la voie du déchiffrement des hiéroglyphes, et peu à peu, de stèle en stèle, de manuscrit en manuscrit, se sont révélées les annales du monde ancien. Les recherches de la Commission d’Egypte, de si heureuse initiative pour la connaissance du passé, eurent une moindre part à la préparation de l’avenir. Les mesures de nivellement, faites par Lepère pour établir la possibilité du creusement d’un canal entre la Méditerranée et la mer Rouge, donnèrent des résultats décourageants, dont, cinquante ans après, on put heureusement constater l’erreur. D’après ce géodésien de l’expédition, le niveau du golfe de Suez aurait été de près de 10 mètres (9,908) supérieur à celui des eaux pélusiennes ; pour éviter l’inondation des plages de la Méditerranée, il eût fallu se borner à construire un canal à écluses, du Nil à la mer Rouge. N’importe, le monde africain faisait désormais partie de la zone d’attraction européenne, et, moins de trois quarts de siècle après les batailles fastueuses et inutiles des Pyramides et du mont Tabor, l’Egypte redevenait la grande porte commerciale de l’Ancien Monde, comme au temps des Pharaons et des Ptolémées.

De l’autre côté de la Terre, la Révolution française devait avoir également son écho. Cependant la nouvelle république des Etats-Unis, très anglaise de mentalité et de morale, ne pouvait guère se laisser influencer par un mouvement révolutionnaire qui ne visait à rien moins que la proclamation des Droits de l’homme. Ayant conquis son indépendance grâce aux alliés français venus avec Lafayette et Rochambeau, elle n’eut point le mauvais goût de rompre complètement avec la nouvelle république, mais elle se tint sur une grande réserve qu’un rien eût changé en hostilité. La sympathie fut plus grande dans les petits groupes de la bourgeoisie créole, qui s’étaient formés à Mexico, Lima, Buenos-Aires, et de loin subissaient l’influence de la philosophie des encyclopédistes. Toutefois ces groupes étaient de trop faible importance numérique pour que leurs prudentes sympathies pussent se transformer en actes. Il n’y