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l’homme et la terre. — russes et asiatiques

l’équilibre commercial, ne songe nullement à angliciser les Chinois, auxquels d’ailleurs la plupart de ses colonies ferment leurs portes. Les Etats-Unis, pour la même raison, auraient mauvaise grâce à s’associer en Chine à ces mêmes hommes que leur politique offense si gravement dans le territoire de l’Union américaine. Enfin l’Allemagne, si bien disciplinée que soient ses fonctionnaires et ses soldats, ne changera point les Chinois eu Germains : elle ne sera que puissance conquérante et dominatrice, représentée par un groupe de maitres, que l’on tiendra toujours pour des étrangers et qui resteront détestés si leur politique ne prend une autre direction.

Pour La Russie, c’est autre chose. Elle se présente le long des frontières de la Chine par les caractères mêmes qui la font ressembler à l’empire du Milieu. Elle arrive avec tous ses troupeaux de peuples asiatiques, Bouriates et Mandchoux, Kirghiz et Mongols, tous descendants de hordes qui reconnurent autrefois la suzeraineté de l’empereur jaune et qui se prosternent aujourd’hui devant le tzar blanc. L’alliance matérielle, intime, populaire, se fait sans peine par tous ces éléments ethniques, tandis que l’influence russe proprement dite est due à la colonisation agricole sur les bords de l’Amur et de l’Oussouri, au tracé des routes et des chemins de fer, à la construction des villes et à l’ouverture des écoles.

Du côté où elle produisait son action le plus efficace, le caractère de cette pénétration graduelle a été certainement quelque peu modifié durant les deux dernières années (1900). Le souvenir des quelques milliers de Chinois — cinq mille, dit-on — attachés deux par deux et noyés à Blagovetchensk en 1904 ne se perdra pas de si tôt parmi les fils de Han. Mais sur toute la périphérie mongole et turkestane — 2 500 kilomètres à vol d’oiseau entre les sources de l’Amur et celles de l’Amu-daria —, la situation respective des éléments en présence ne doit guère avoir changé depuis les défaites des Russes dans la péninsule de Liao-tung et dans la vallée du Liao-ho. De part et d’autre de la limite officielle, des populations de même nature entrent dans le cercle de la civilisation russe.

Le Japon possède, dans ses relations avec la Chine, des avantages analogues. Formose, les îles Kiu-Kiu, les Pescadores, conquêtes récentes des Japonais, se relient à l’empire du Soleil Levant de la même manière que les grandes îles proprement dites japonaises se rattachent