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russification des allophyles

Ainsi le jeu naturel des institutions, le mouvement graduel de l’histoire assurent la russification complète des éléments d’origine touranienne, soit turque, soit mongole. Même la religion ne constitue point un obstacle absolu à l’œuvre d’assimilation nationale, et, tout en restant de fidèles disciples du prophète, les Tartares de Kazan, de la Crimée et du Caucase deviennent aussi des patriotes russes ou prennent part aux mouvements qui entraînent les autres éléments de la population. Les Juifs eux-mêmes, quoique franchement, atrocement persécutés, se russifient pourtant. Exilés ou réfugiés à l’étranger, ils
Cl. Jofé.
maison à kichinev, après le pogrome
ne manquent pas de se réclamer du nom de Russes, et ils le sont en effet presque tous par la langue, par les idées et les aspirations. Ils ont une tendance évidente à rentrer dans la grande masse de la nation, à se dégager de la caste héréditaire que les nécessités de l’existence leur avaient imposée, même à se faire en Europe, par l’étude et le savoir, les représentants du génie russe. Le gouvernement, fidèle observateur des survivances du passé, entretient les anciennes haines de religion, de profession et de prétendue race ; il maintient, on peut le dire, les pratiques de l’internement ou domicile forcé, puisque le territoire assigné à la résidence des Juifs est strictement délimité ; en réalité, ils sont confinés dans un vaste ghetto : pour eux la frontière est double, et, s’il leur est nécessaire de la franchir, les dépenses, les difficultés de toute nature s’accroissent à l’infini. Enfermés, ou du moins gênés matériellement, les Juifs le sont encore beaucoup plus au point de vue de leur développement intellectuel, puisqu’on a pris les mesures les plus sévères pour restreindre chez eux les progrès de l’enseignement. « Défense d’apprendre », voilà la règle, d’ailleurs conforme au principe de toute autorité traditionnelle, et la