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l’homme et la terre. — la révolution

cessaient de croire à la réalisation de leur idéal. Parmi les têtes qu’on voyait tomber, quelques-unes étaient certainement de celles où le plus de pensée avait vibré et qui cherchèrent le plus ardemment le secret de l’avenir. L’opinion publique hésita, les meurtriers tremblèrent devant leur œuvre de mort et la réaction devint inévitable. La France, désormais sans boussole, sans ligne de conduite, laissa le pouvoir aux mains des ambitieux et des habiles. La Révolution
Musée Carnavalet.
assiette portant l’inscription :
« je veille pour la nation »
n’avait été qu’un long espoir et l’illusion d’un jour ! La réalisation en était renvoyée aux siècles futurs.

L’égalité ne pouvait être qu’un vain mot pour ceux qui n’avaient aucune part à la propriété, c’est-à-dire pour la majorité de la nation. On répète volontiers que la vente des terres nobles et des domaines de mainmorte ecclésiastique eut pour résultat de transformer le paysan en propriétaire, mais cette appréciation banale n’est point d’accord avec les faits. Ce qui est vrai, c’est que le nombre des possesseurs du sol s’accrut en de notables proportions, non fixées d’une manière précise par les statistiques de l’époque. Ce fut là certainement une révolution économique de grande importance, car elle associa de nouvelles couches à la vie de la terre et produisit une poussée vers l’accroissement de la production, mais le principe de la répartition des biens suivant les chances de l’hérédité, du savoir-faire et du hasard ne fut en rien modifié, et la foule des prolétaires ruraux resta comme ci-devant privée de tout lopin de terre, condamnée à ne récolter le blé que dans les champs d’un propriétaire noble ou bourgeois. La loi reconnaissait, il est