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opinion publique en allemagne

« par la grâce de Dieu ». Nul « Quatre-vingt-neuf » n’est passé par là et les sujets ne semblent nullement désirer que l’orage vienne nettoyer l’air impur. Le mot même de « Révolution » souvent employé en d’antiques phraséologies semble n’avoir plus de sens. La discipline par laquelle passent tous les enfants, les élèves, les étudiants, les soldats, les employés, les fonctionnaires est devenue l’âme de la nation, et cette âme a revêtu un caractère mécanique : elle opère au moyen de
Cl. Arena.
étudiants allemands
Après le duel, la blessure est savamment arrangée.
leviers que l’on meut de Potsdam ou de Berlin. Cette même discipline manœuvre également bien dans les rangs des socialistes, c’est-à-dire des enrégimentés d’une organisation future : le conflit entre les divers partis, qui semble formidable les jours d’élections, n’est pas après tout aussi violent qu’il le paraît et comporte des accommodements futurs. Quant à l’Allemand moyen, il aime à prendre les choses « à son aise », bequem, sans réfléchir à ce fait qu’en s’accommodant de son mieux à l’injustice, il facilite la besogne de ses maîtres et leur permet d’en agir à leur guise, d’élargir le cercle de leur oppression méthodique. Il est certain que, cinquante ans après les révolutions de 1848, le peuple germanique, très enrichi matériellement, très policé et amplement muni d’un bagage de connaissances détaillées, est néanmoins plus facile à tromper et à réduire : il emboîte mieux le pas. N’est-ce pas un des signes historiques les moins douteux que toute l’armée des étudiants allemands, forte de plus de trente mille hommes, ait si bien épousé ses intérêts de classe, aristocratique ou bourgeoise,