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l’homme et la terre. — répartition des hommes

port, à la tête de navigation maritime sur la Tamise, a mis la ville, devenue capitale du Royaume-Uni, à même de profiter d’autres avantages qui, sans cela, seraient restés en puissance, mais sans se réaliser jamais. Ainsi de progrès en progrès par rapport à l’ensemble du monde, Londres a fini par devenir le point central que, de toutes les extrémités du globe, on peut en moyenne atteindre le plus facilement.

Dans le développement des cités, il arrive très fréquemment que la croissance ou la décroissance de ces grands organismes s’accomplit d’un mouvement très irrégulier, par à coups que déterminent des évolutions rapides de l’histoire. Ainsi, pour prendre encore l’exemple de Londres, on voit qu’à l’origine, les avantages locaux de cette ville, tout en ayant une certaine importance, n’étaient point de nature à lui procurer le rang qu’elle a pris parmi les autres cités. Certes, sa position, dans une plaine bien limitée au nord par des coteaux protecteurs, au bord d’un grand fleuve et au confluent d’une petite rivière, à l’endroit même où le va-et-vient de la marée facilitait l’alternance de la navigation, l’embarquement et le débarquement des marchandises, toutes ces conditions étaient des plus favorables à Londres pour la faire prévaloir dans sa lutte d’existence avec les autres cités de l’Angleterre, mais ces privilèges locaux ne prirent leur véritable valeur que lorsque les Romains eurent choisi cette position pour en faire le centre de convergence des routes tracées en tous sens dans la moitié méridionale de la grande île. La Rome britannique devait s’élever au lieu choisi comme centre du réseau. Mais lorsque les légions romaines durent abandonner Albion et que toutes les « routes hautes », high streets, construites entre les postes militaires et le port de la contrée, eurent été délaissées, Londinium perdit par cela même toute son importance et ne fut plus qu’une simple ville de la Bretagne, réduite, comme tant d’autres, à ses avantages purement locaux, et, pendant deux cents années, elle resta complètement ignorée de l’histoire[1]. Il fallut que les relations se rétablissent avec le continent pour que la position de Londres reprît sa valeur.

Les faveurs administratives, l’appel des courtisans et courtisanes, des fonctionnaires, des policiers, des soldats et la foule intéressée qui se presse autour des « dix mille d’en haut » donnent aux capitales un rôle

  1. Gomme, Village Communities, pp. 48, 51 ; Green, The Making of England, p. 118.