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confluents, coudes, estuaires

voies suivies par les peuples migrateurs, et, sur le versant méridional des Alpes, toutes les vallées sans exception ont à leur porte de sortie une ville gardienne ; de puissantes cités, Milan et tant d’autres, marquent les points de convergence, et la haute vallée du Pô, constituant les trois quarts d’un cercle immense, a pour centre naturel la ville de Turin.

Sur le cours inférieur du fleuve, la fondation de cités est déterminée par des conditions analogues du milieu : au bec de deux courants ou sur un point de diramation des trois, quatre voies navigables ou des routes naturelles qui se présentent à la fois, au lieu des deux uniques de l’amont et de l’aval. Ailleurs d’autres groupes se fixent aux escales d’arrêt nécessaires, rapides, cascades, défilés rocheux, où viennent mouiller les barques, où se transbordent les marchandises ; les étroits des fleuves, là où le passage de rive à rive se fait avec facilité, sont aussi des endroits indiqués pour un emplacement de village ou même de ville, si d’autres avantages s’ajoutent à celui qu’offre le rétrécissement fluvial. Telle courbe bien marquée d’un cours d’eau, rapprochant sa vallée d’un grand centre d’activité situé dans un autre bassin, peut inviter aussi les hommes en grand nombre. C’est ainsi qu’Orléans a dû se bâtir sur la rive de la Loire qui se développe le plus au nord dans la direction de Paris, et que Tzaritsin se trouve à l’endroit où la Volga se rapproche du Don. Enfin, sur chaque fleuve, le point vital par excellence est l’endroit, voisin de l’embouchure, où la marée montante vient arrêter et soutenir le courant supérieur et où les embarcations, amenées par le courant d’eau douce, rencontrent naturellement les navires de mer voguant avec le flux. Dans l’organisation hydrographique, ce lieu de rencontre peut être assimilé au collet de l’arbre, entre le système de végétation aérienne et celui des racines profondes, c’est la forme normale du grand port européen sur les mers à marée : Hambourg ou Londres, Anvers ou Bordeaux.

Les découpures du littoral influent aussi sur la répartition des villes. Certaines côtes sablonneuses à peine infléchies, inabordables aux navires, si ce n’est pendant les rares journées de calme plat, sont autant que possible évitées par l’homme de l’intérieur aussi bien que par le marin aventuré sur l’océan. Ainsi la côte, de 220 kilomètres en longueur, qui se profile en droite ligne de l’estuaire de la Gironde à la bouche de l’Adour, n’a d’autre ville que la petite Arcachon, simple lieu de bains et de villégiature, située en arrière de la rive, en dedans du rempart formé par les dunes du cap Ferret. De même les formidables cordons littoraux