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marches interdites

l’antiquité et au moyen âge, stipulaient que la frontière marquée par des murs, des palissades ou par un fossé de travail humain serait rendue à la nature sauvage, interdite aux hommes. C’était, en effet, le moyen le plus sûr d’empêcher le malheureux dépossédé de revenir à la place du foyer dévasté et de recreuser le sillon dans le sens accoutumé. C’est ainsi que procédèrent l’Empereur de Chine et celui de Corée entre leurs domaines, et c’est ainsi qu’en agissaient les barons féodaux pour l’établissement de leurs « marches » de partage.

Cl. J. Kuhn, édit.

une vue de briançon, casernes et fortifications.


Mais les conventions s’oublient, la surveillance se relâche, tandis que l’amour de la terre dure chez le paysan, et, quand les années, les lustres, les siècles sont passés, la marche interdite est habitée de nouveau. De nos jours, les États en agissent autrement, et même avec des résultats plus funestes, car, des deux côtés, la ligue de frontière exerce comme une sorte d’hypnotisme sur les soldats, les gendarmes, les douaniers chargés du soin d’en garder les bornes et les poteaux. Partout où l’on a toléré l’existence d’un sentier, permis la construction d’une route ou, cas plus important encore, d’un canal ou d’une voie ferrée, chaque passant est suivi d’un regard inquisiteur ; s’il parait suspect, on l’inter-