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l’homme et la terre. — internationales

accomplie. En outre, ils demandèrent des châtiments pour leurs adversaires. L’Eglise chrétienne en fit autant, comme pour témoigner avec éclat de la part qu’elle avait prise dans la guerre d’extermination et de butin : on vit dans les chapelles des têtes de décapités exposées à la gloire du Dieu vengeur et de ses missionnaires fidèles[1].

Quoique les puissances d’Europe unies au Japon s’occupent avec zèle de mordiller le pourtour de la Chine, l’empire est trop vaste et sa population, recensée en 1901 au chiffre de 425 millions d’individus, représente une part trop considérable de l’humanité policée pour que les assaillants n’aient pas reconnu l’impossibilité de partager immédiatement la Chine : on a renvoyé à plus tard cette œuvre formidable de dépècement de l’empire chinois suivant un tracé largement compris de « sphères d’influences », ou plutôt on s’en est remis à la bonne providence qui protège les habiles dans la répartition du butin.

Les États-Unis d’Amérique, rivaux de la Russie dans la prétention d’être la première parmi les grandes puissances du monde moderne, ne prirent qu’une part secondaire dans les affaires de Chine : ils avaient ailleurs des intérêts plus puissants. La « doctrine de Monroë », qu’ils opposaient âprement aux gouvernements européens dans les questions politiques relatives au Nouveau Monde, aurait dû logiquement leur interdire toute immixtion dans les débats se rapportant à des pays ou à des parages non américains. Mais il n’en fut pas ainsi : la conscience de sa force accroissait l’ambition de la république américaine, et les autres États la virent prendre part au partage des îles Océaniennes. Elle disputa l’archipel de Samoa aux Allemands et aux Anglais, pour garder finalement l’une des îles, et s’emparer de tout le groupe havaïien, plus rapproché de ses rivages. En réalité, cette dernière acquisition n’était, sous forme politique, qu’une affaire commerciale : des planteurs américains et de ces missionnaires religieux que l’on rencontre dans toutes les affaires de captation avaient graduellement monopolisé et mis en culture les bonnes terres de l’archipel pour la production de la canne à sucre. Des engagés, importés des Açores, des îles Océaniennes, de la Chine, du Japon, remplaçaient sur ces champs les indigènes voués au dépérissement et à la mort, et les récoltes, fort abondantes, purent bientôt, grâce à l’annexion, bénéficier de la libre importation dans les États-Unis. C’était,

  1. New-York Herald, 18 sept. 1900.